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dans l’Europe méridionale. Peut-être la rive gauche du Mississipi ne laisse-t-elle rien à désirer, — on verra plus loin qu’il y existe de nombreux vestiges d’une population industrieuse ; — mais la rive droite du grand fleuve n’est qu’une plaine d’une trop rigoureuse uniformité : au-delà vient la triste région des Lacs-Salés, puis des montagnes ; la fertilité ne reparaît plus que sur une bande étroite au long du Pacifique. Les découpures de notre littoral méditerranéen, le climat tempéré de notre Europe offraient bien d’autres ressources à des peuplades primitives. Celles-ci émigraient-elles vers le nord ou vers le sud, comme les y invitait la direction générale des cours d’eau, au nord elles abordaient des solitudes glaciales dont l’aspect n’a rien d’engageant, au sud apparaissait, entre les 30e et 35e degrés de latitude, une zone ingrate, assez semblable à ce que sont les steppes du Turkestan dans l’ancien monde. Au-delà, plus au sud, le climat redevient plus favorable, grâce à l’élévation du sol. Le magnifique plateau du Mexique se dresse à une altitude telle que la chaleur y est modérée malgré la proximité de l’équateur ; mais ce plateau est en quelque sorte une forteresse que limitent de droite et de gauche deux bandes malsaines de terres chaudes. Enfin, dans les provinces du Honduras et du Yucatan, le continent s’amincit, les montagnes s’abaissent, le sol est fécond autant qu’en aucun lieu du monde ; seulement la chaleur y est excessive, et la salubrité de l’air ne compense pas tout à fait ce désavantage. C’était là que la civilisation américaine devait s’épanouir, quoiqu’elle eut pu avoir aussi bien pour berceau le plateau de l’Anahuac, la vallée de l’Ohio ou celle du Sacramento.

Sans doute ces conditions physiques n’ont plus aujourd’hui qu’une influence restreinte, parce que l’homme blanc est armé de façon à lutter contre la nature elle-même. Aujourd’hui la condition de race a plus de puissance. La Suède, avec un sol ingrat et un climat sévère, est un des pays les plus cultivés de l’Europe ; l’Anglais prospère en Australie, où le noir indigène dépérit. L’Inde est aussi peuplée et produit autant que la plus riche province de la zone tempérée, en dépit du soleil tropical ; mais à l’origine il n’en fut pas ainsi. Les hommes primitifs, mal défendus contre les variations climatériques, en ont du subir l’influence à un degré que nous avons peine à concevoir. En outre, un continent trop compacte, entrecoupé de montagnes ou de déserts stériles, condamnait à l’isolement les tribus sauvages qui l’habitaient. Il n’y a pas d’exemple que la civilisation ait acquis un grand développement dans une lie au milieu de l’Océan, les circonstances naturelles y fussent-elles propices. Les peuples ne sortent de la barbarie que par le frottement qu’ils exercent les uns sur les autres. Dans l’Amérique septentrionale, il y avait comme des îlots où les nations vécurent à l’écart. Quoique