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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 15.djvu/463

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se rappelle l’ancien style de l’Opéra-Comique, le vieux jeu, vous paraît dès l’abord singulièrement original et battant neuf ; on fera bien cependant de ne point oublier que ces tendances nouvelles, Bizet les avait déjà mises en pratique et que c’est lui qui le premier, dans Carmen, donna la note.

Un acte de comédie agréable et de jolie musique : voilà pour les Amoureux de Catherine, qu’on a donnés cette semaine. La comédie, très ingénieusement adaptée d’après un conte d’Erckmann-Chatrian, est de M. Jules Barbier, qui s’entend fort aux paysanneries, ainsi qu’il l’a prouvé dans les Noces de Jeannette, le Chien du Jardinier et vingt autres pastorales tant réalistes que florianesques ; le musicien, M. Henri Maréchal, nous revient d’Italie, où dès 1870 l’envoyait son prix de Rome, et c’est par des oratorios et des compositions de haute volée qu’il y préludait à son début d’aujourd’hui ; cela se voit au style aisé, sobre et sûr de sa chanson, qui, grâce à Dieu, ne prétend pas être une symphonie. Cette plume-là sait déjà ce qu’elle veut et ce qu’elle peut, et ce ne sont certes pas les aptitudes qui lui manquent.

Outre qu’elle a les plus beaux yeux du monde, Mlle Catherine tient une auberge des mieux achalandées, et naturellement chacun s’évertue à lui plaire, mais sans réussir, car c’est son caprice à cette bonne et gentille fée d’élever jusqu’à elle et de rendre à la fois heureux et riche, d’un coup de sa baguette enchantée, un pauvre diable de maître d’école qui l’adore en silence du fond de son humble condition. Mlle Chapuy joue le rôle de la bonne fée Catherine, et met beaucoup de grâce et de talent à rendre ce personnage, auquel son costume d’Alsacienne prête une sympathie de plus ; le jeu, le chant, tout est exquis chez cette jeune artiste, et je m’étonnerais qu’un administrateur aussi habile que M. Perrin ne parvînt pas à tirer d’une pareille étoile le parti le plus complet pour la rénovation de l’Opéra-Comique. Dans certaines reprises bien ménagées d’anciens ouvrages, Mlle Chapuy rendra les meilleurs services. Ceux qui l’ont entendu chanter l’air du Calife de Bagdad savent ce que valent sa manière et son goût ; cet art, si délicat, si mignon qu’il soit, convient au genre, il ne s’agit que de le bien mettre en crédit près du public, et de ne pas perdre une occasion d’informer les amateurs qu’on a chez soi un Meissonier, et des plus rares.

Il faut que ce nom de Verdi possède quelque influence talismanique ; dès que les cinq lettres mystérieuses commencent à flamboyer sur une affiche, les têtes se montent et la discussion se ranime. Parlez-moi de ces hommes puissans auxquels rien ne résiste, capables de forcer à l’enthousiasme l’indifférentisme le plus récalcitrant, et de ramener d’un coup de main vigoureux vers les sentiers de l’art, du plus grand art, toute une foule désœuvrée qui semblait ne plus croire qu’à l’opérette ! Meyerbeer eut cet ascendant, mais il en jouit moins, car ce fut seulement à dater de sa période française, à dater de Robert le Diable et des