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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 15.djvu/471

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de l’intérieur d’hier va-t-il être remplacé maintenant ? La première pensée paraît avoir été de confier la succession de M. Ricard à M. de Marcère, qui a été depuis deux mois, comme sous-secrétaire d’état, son collaborateur de tous les instans, qui est lui-même un esprit net et ferme, un magistrat instruit, un représentant du centre gauche, et dont la nomination aurait l’avantage de laisser le cabinet intact. Ce n’est pas trop le moment de recommencer des apprentissages tous les deux mois. M. de Marcère est au courant des affaires, il peut les suivre comme ministre après les avoir suivies comme sous-secrétaire d’état ; mais, à quelque choix qu’on s’arrête, quel que soit le nouveau ministre de l’intérieur, il n’y a pour le gouvernement qu’une politique sérieuse, efficace, qui consiste à marcher sans hésiter, à éviter plus que jamais les confusions et les équivoques, à ne pas laisser les partis, surtout les partis extrêmes, s’emparer de toutes les questions et substituer leurs prétentions ou leurs fantaisies à la simple réalité des choses.

La première occasion qui va s’offrir est cette affaire de l’amnistie, que les chambres retrouvent en rentrant à Versailles, et avec laquelle il ne reste plus qu’à en finir au plus vite, puisqu’on n’a pas eu la prudente résolution de la terminer il y a un mois, avant les vacances. Qu’on songe bien, que maintenant chaque jour perdu serait un affaiblissement pour le ministère, une épreuve aggravée pour le sentiment public, une sorte d’encouragement à l’inquiétude et à la défiance. La mort même de M. Ricard ne peut être le prétexte d’un ajournement nouveau. M. le président du conseil est certes de force à soutenir cette discussion, d’autant plus que la question, telle que M. Dufaure vient de la préciser encore une fois, est en vérité des plus simples. Les radicaux et ceux qui, par tactique ou par faiblesse, se font les complaisans des radicaux, peuvent essayer de l’obscurcir. M. Victor Hugo fera son discours, qu’il médite depuis trois mois ; M. Louis Blanc invoquera de nouveau l’Amérique, et déjà on compte pour le moins une demi-douzaine de députés du radicalisme le plus pur, qui brûlent de prouver que la commune a été mal jugée, que ces insurgés de 1871, qui ont tenu pendant deux mois la puissance nationale en échec devant les Prussiens, qui ont mis le feu à Paris et massacré les otages, n’ont cédé tout au plus qu’à une exaspération de patriotisme. Ce sera déjà vraiment assez pénible d’entendre dans une assemblée française l’apologie plus ou moins indirecte d’une insurrection qui a fini dans l’incendie et dans le sang des victimes de la Roquette ou de la rue Haxo ; ce qu’il y aurait de plus triste encore, ce serait qu’il y eût dans la chambre des esprits troublés essayant de dénaturer cette malheureuse affaire par des atténuations imprévoyantes ou par des subtilités de procédure, et de proposer des combinaisons dont l’unique résultat serait de prolonger la confusion. En réalité, c’est une question toute politique ; il s’agit de savoir si l’on repoussera