n’oublient pas. Léopold, traversant la ville au milieu des acclamations, se dirige vers la place Royale. Là, sur une estrade adossée à l’église Saint-Jacques, se tiennent le régent de la Belgique, M. le baron Surlet de Chokier, et les membres du congrès. À une heure, Léopold, arrivé devant l’église, descend de cheval, franchit les degrés de l’estrade, prend place en avant du trône entre le régent et le président de l’assemblée. Aussitôt le régent dépose les pouvoirs dont il a été revêtu le 24 février précédent ; un des secrétaires du congrès, M. Vilain XIIII, debout devant le roi, lit la constitution du royaume ; un autre, M. Nothomb, lui présente la formule du serment. Léopold prononce ces mots d’une voix ferme : « Je jure d’observer la constitution et les lois du peuple belge, de maintenir l’indépendance nationale et l’intégrité du territoire. » Dès lors tout est fini, tout est réglé, un nouvel ordre commence, et le président du congrès, M. de Gerlache, se tournant vers le roi, lui dit au nom du peuple : Sire, montez au trône !
Le discours du roi, les acclamations de la foule, les incidens de la journée, la fête du soir, tant de belles paroles, tant de nobles vœux, par-dessus tout cette virile confiance de 4 millions d’hommes heureux d’honorer dans un chef le signe de leur indépendance reconquise, voilà bien des choses qui couronnaient cette journée du 21 juillet 1831 et permettaient de compter sur l’avenir. On pouvait déjà regarder la paix comme conclue. La Hollande oserait-elle donc attaquer un peuple si uni, si résolu, qui venait de se sacrer lui-même dans une personne royale, et sur qui veillaient l’Angleterre et la France ? Eh bien, quinze jours plus tard, le nouveau roi apprend tout à coup que l’invasion hollandaise a commencé.
C’était la réplique de Guillaume Ier au couronnement de Léopold. Le grand acte du 21 juillet avait exaspéré le roi des Pays-Bas. Depuis quelques semaines, le gouvernement hollandais faisait des préparatifs de guerre formidables. Le prince d’Orange, fils du roi, celui-là même (il faut bien noter ces rencontres qui ajoutent encore à l’émotion du drame public), celui-là même qui, dix-sept années auparavant, avait brigué la main de la princesse Charlotte d’Angleterre, et qui, brusquement éconduit, s’était vu préférer le prince Léopold de Saxe-Cobourg, — le prince d’Orange tenait des discours belliqueux aux troupes du camp de Ryen. Enfin une gazette qui recevait les inspirations du roi Guillaume, le Journal de La Haye, imprimait des manifestes comme celui-ci : « Le moment de la crise est arrivé… Que M. de Saxe-Cobourg jouisse encore quelques jours de son triomphe, qu’il joue sur les tréteaux de Bruxelles le rôle d’un roi de comédie ! Mais, lorsqu’il entendra le canon de la Hollande, lorsqu’il aura acquis la conviction que son inauguration a été le signal de la guerre, lorsque, etc…. » Il