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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 15.djvu/574

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LES
PRINCIPAUTES FRANQUES
D'ORIENT
D'APRES LES PLUS RECENTES DECOUVERTES DE LA NUMISMATIQUE

Parmi les branches si multiples et si variées de la science numismatique, il en est peu d’aussi attachantes, par les nombreuses questions qu’elle soulève et par l’imprévu de ses découvertes, que celle qui se rapporte aux croisades. Jetés hors de leur milieu normal, mis en contact constant avec les musulmans, les Byzantins et tous les peuples d’Orient, les croisés établis aux pays d’outre-mer subirent à chaque instant, sous toutes les formes et dans toutes leurs institutions, l’influence de ces nations diverses. Leur monnaie, précieux indice au point de vue de l’histoire, ne devait pas échapper à l’action de tant de causes réunies. De là des étrangetés, des nouveautés de style, de types, de légendes[1] pleines de singularité ; de là aussi une variété extrême, une originalité sans cesse renouvelée, qui ajoutent un charme particulier à l’étude de ces monnaies, témoignage palpable de cette longue période de conquête, à la fois si guerrière et si colonisatrice. On aime à voir et à déchiffrer une de ces monnaies, informe et barbare peut-être, mais authentique, de ces Tancrède, de ces Baudouin, de ces Boémond, héros aventureux qui s’en allaient jeter sur les rives du Jourdain et par-delà l’Euphrate les bases de ces principautés bizarres, dont les chefs et les soldats étaient des chevaliers et des gens d’armes de France, d’Italie et d’outre-Rhin, et les sujets des Bédouins du désert, des Arméniens de la montagne, des Syriens de Phénicie ou de Palestine.

  1. On appelle légendes les inscriptions gravées sur les deux faces de la monnaie, et presque toujours circulairement disposées près de la circonférence.