« Le 4 août, à neuf heures du matin, a écrit M. de Montalivet, nous nous trouvions réunis autour de la table du conseil des ministres. Les dernières nouvelles ne laissaient aucun doute sur la reprise des hostilités. Je ne me rappelle pas aujourd’hui sans émotion, — au moment où je regarde de nouveau en face les calomnies et les injustices qui, après avoir assailli le roi Louis-Philippe pendant sa vie, se lèvent, bien plus rares sans doute, mais non moins passionnées, pour appeler sur sa tombe les mépris de l’histoire, — je ne me rappelle pas sans émotion les paroles par lesquelles le roi ouvrit le conseil qu’il présidait, comme dans toutes les circonstances importantes. C’était cette parole vive et souvent entraînante des jours heureux ou difficiles. Un rayon de jeunesse animait les traits du souverain le plus libéral de son époque, qui, par un contraste étrange, rappelait ceux de son aïeul Louis XIV d’absolutiste mémoire. — J’ai reçu ce matin à cinq heures, nous dit-il, une lettre du roi Léopold, qui appelle la France au secours de la Belgique. Ne perdons pas un moment, si nous ne voulons voir l’indépendance de la Belgique frappée au cœur par la prise de Bruxelles et le cercle de fer des places fortes construites contre la France se refermer sur elle. Courons donc placer son drapeau entre Bruxelles et l’armée hollandaise. Je demande seulement comme une faveur que Chartres et Nemours soient à l’avant-garde et ne perdent pas la chance d’un coup de fusil. — Un tel langage était bien celui qui répondait à l’énergie de Casimir Perier et au sentiment profond de la situation que chacun de nous avait apporté au conseil. Il est décidé séance tenante qu’une armée de 50,000 hommes sera envoyée au secours de la Belgique. Des ordres sont immédiatement transmis par le maréchal Soult au général Gérard, nommé général en chef. À deux heures, M. Lehon est reçu pour la première fois par le roi, en sa qualité de ministre plénipotentiaire et envoyé extraordinaire de sa majesté Léopold Ier roi des Belges. À quatre heures, le Moniteur, dans un supplément extraordinaire, annonce à l’Europe et à la France la résolution instantanée du gouvernement français. À onze heures et demie du soir, les deux fils du roi partent pour l’armée, où le duc d’Orléans et son jeune frère, le duc de Nemours, âgé de dix-sept ans, seront placés à l’avant-garde. »
On voit que le temps n’a pas été perdu. Cependant des susceptibilités d’honneur national se manifestent parmi les ministres belges. L’article 121 de la constitution dit expressément : « Aucune troupe étrangère ne peut être admise au service de l’état, occuper ou traverser le territoire qu’en vertu d’une loi. » Le ministre des affaires étrangères, M. de Muelenaere, moins frappé du péril de l’état que de sa responsabilité propre, considère l’appel aux Français comme une violation de la loi fondamentale. Il le fait dire au roi dans les