l’Angleterre n’a-t-elle pris aucune part aux mesures qui ont repoussé l’invasion ? Le cabinet de Saint-James a-t-il renoncé à ses sympathies pour la Belgique ? Autant de questions, autant de doutes qui tourmentent le roi ; quelle que soit la vérité, le roi veut la connaître. Stockmar arrive donc à Londres vers la fin du mois d’août, et, sans perdre un jour, il va droit à lord Palmerston. « Je l’attaquai, dit-il, dès le premier mot. Je lui avouai que notre confiance, dans la protection de l’Angleterre était singulièrement affaiblie. Je lui dis que, devant la brusque invasion hollandaise, nous ne pouvions croire que l’Angleterre eût ignoré ce projet, et que tout ce qui avait suivi confirmait nos soupçons : puisque l’Angleterre n’avait pris directement aucune part à l’expulsion des Hollandais, il était clair pour nous qu’elle était disposée désormais à soutenir la Hollande contre la Belgique. » Ce reproche d’avoir connu les plans de la Hollande, Palmerston le repousse en termes tels que à Stockmar n’a plus de doute. Évidemment, ou bien le cabinet de Saint-James n’a rien su, ou bien, si on l’a prévenu de la prochaine rupture de l’armistice, il a refusé d’y croire. Quant à la question générale, le ministre anglais la traite avec une certaine rudesse, et Stockmar est persuadé que son langage est un indice de la direction où va s’engager la conférence. « Les Belges, a-t-il dit, ont montré de la façon la plus claire qu’ils sont incapables de résister aux Hollandais. Sans le secours de la France, ils auraient été remis sous le joug. Il faut donc que les Belges comme les Hollandais, pour vivre en repos, abandonnent quelque chose de leurs prétentions réciproques. Les Belges ne peuvent plus prétendre à la situation que leur assuraient les dix-huit articles, pas plus que les Hollandais ne peuvent réclamer ce vieux protocole de janvier auquel ils avaient adhéré dès le début de la crise : Si les Belges ne veulent rien céder, la conférence n’a qu’une chose à faire, se retirer absolument et dire : Eh bien ! soit ! nous permettons aux Hollandais de vider leur querelle avec les Belges seuls. Les armes décideront. »
Stockmar ajoute : « À cette effrayante conclusion de Palmerston, je ne répondis pas un mot, mais je pensais en silence, à part moi, que, si quatre des grandes puissances pouvaient souhaiter et faire quelque chose de pareil, il était impossible que la France consentit jamais à la conquête de la Belgique par la Hollande. »
Cette parole a son prix dans la bouche d’un ennemi de la France. La France est donc bonne à quelque chose, et quand la justice est violée quelque part, c’est vers elle qu’on se tourne. Heureusement les menaces de lord Palmerston ne devaient pas se réaliser ; la sagesse des Belges, ainsi que la droiture du roi Louis-Philippe, écartèrent ce péril. Je crois même que, si lord Palmerston parla si vivement à Stockmar, ce fut pour amener la Belgique aux