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les conférences réunies à Paris ou à Constantinople. Ainsi, au sujet de cette affaire de limitation connue alors sous le nom de « question de Bolgrad, » c’est lui qui avait suggéré une combinaison désirée par la France, destinée à désintéresser l’orgueil russe, accueillie en définitive par l’Angleterre. Lorsqu’on en venait à l’organisation des principautés, il ne pouvait hésiter, il était avec la Russie, avec la France, pour l’union de la Moldavie et de la Valachie ; il y voyait une satisfaction de nationalité, et il se montrait d’autant plus résolu, que l’Autriche était plus hostile. Le comte Buol avait dit : « Nous avons bien assez d’une Sardaigne au pied des Alpes, sans en avoir une autre au pied des Carpathes. » Cavour trouvait naturellement que ce ne serait pas trop d’attacher une autre Sardaigne au flanc de l’Autriche. En réalité, il se servait de toutes ces questions dans la mesure de ce qui pouvait fortifier le Piémont, intéresser l’Italie et l’aider à poursuivre son but, la conquête des alliances ou des sympathies contre l’ennemi qu’il avait à combattre. C’était la pensée incessante de sa diplomatie au milieu de tous les incidens européens dont il cherchait à profiter pour créer, comme il le disait, une atmosphère favorable à l’Italie.

Le fait est que par sa souplesse et son habile modération, il avait d’abord gagné la Russie, qui témoignait au Piémont une cordialité empressée, ne fût-ce qu’en haine de l’Autriche. Dès que les relations des deux pays avaient été renouées, le prince Gortchakof avait dit au représentant de la cour de Turin : « Je ne veux pas entrer dans des récriminations. Nous avons été mal inspirés depuis 1849 en vous refusant une légation russe à Turin et en refusant votre légation à Saint-Pétersbourg. Nous avons trop prêté l’oreille à l’Autriche. Je n’ai jamais approuvé cela. Aujourd’hui le terrain est libre ; nous pouvons nous mettre d’accord… Je conviens que la Russie et le Piémont sont des alliés naturels… Nous sommes on ne peut plus contens de vos procédés à notre égard. » L’empereur Alexandre II, pendant les fêtes de son couronnement à Moscou, avait adressé les paroles les plus flatteuses au général Broglia, envoyé du roi Victor-Emmanuel, et il avait affecté de parler assez haut pour être entendu de l’ambassadeur d’Autriche. Peu après, la tsarine, mère d’Alexandre, était allée passer l’hiver de 1857 à Nice, où elle avait été entourée de déférences. La grande-duchesse Hélène visitait le Piémont. Le grand-duc Constantin et le grand-duc Michel, qui allaient voir leur mère, se rendaient à Turin, et ils étaient reçus avec tous les honneurs princiers. Ils assistaient avec Victor-Emmanuel à une représentation de gala, et ces démonstrations étaient d’autant plus significatives qu’elles coïncidaient avec la rupture diplomatique qui venait d’éclater entre l’Autriche et le Piémont. Pendant ce temps, les diplomates russes répétaient aux représentans sardes : « Le Piémont