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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 15.djvu/713

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musulman. C’est peut-être assez pour provoquer des convulsions dans une lutte nationale qui s’engagerait, ce n’est point assez pour donner à l’empire ottoman la consistance intérieure dont il aurait plus que jamais besoin aujourd’hui. Or c’est dans ces conditions qu’éclate une révolution soudaine, qui est sans doute une conséquence naturelle de tout un ordre de faits, mais qui est peut-être aussi une complication, de plus, qui dans tous les cas ne peut redresser d’un coup une situation si fatalement engagée.

D’un autre côté, il est bien clair que l’Europe n’est plus ce qu’elle a été longtemps dans les crises périodiques de la Turquie. Opinion, influences, alliances, direction des gouvernement tout s’est profondément modifié. Tout est changé, et un des signes les plus- frappans de cette transformation dans l’état de l’Europe, c’est que, lorsque cette question d’Orient s’est réveillée récemment, elle a été en quelque sorte revendiquée ou saisie d’autorité par les trois empires, du nord s’érigeant en arbitres dans la crise nouvelle qui commençait. L’Angleterre, la France, l’Italie, ont été consultées sans doute et elles le sont encore. En réalité, ce sont les trois puissances du nord qui ont commencé par délibérer, qui se sont entendues entre elles. C’est te chancelier d’un des empereurs, le comte Andrassy, qui a pris, il y a quelques mois, l’initiative de la première note adressée à Constantinople ; c’est le chancelier d’un autre empereur, le prince Gortchakof, qui a préparé le dernier mémorandum communiqué à Paris, à Londres et à Rome. C’est après tout la Russie reprenant la direction des événement avec l’encouragement plus ou moins calculé, plus ou moins intéressé de l’Allemagne, avec le concours plus ou moins volontaire, plus ou moins embarrassé de l’Autriche. C’est là ce qu’il y a de changé au point de vue de la Turquie comme à bien d’autres points de vue, et cette situation nouvelle qui se dessine de plus en plus a certainement sa gravité dans les conditions plus que jamais incohérentes et précaires de l’Orient. On peut se demander ce que se propose, ce que pourra essayer cette force du nord soumise à l’inspiration, à la direction d’une puissance qu’une fascination traditionnelle entraîne vers ces régions orientales. C’est un des périls du moment sans doute ; il serait redoutable en effet, il justifierait l’inquiétude intime de l’Europe, s’il n’était atténué par un fait également certain qui reste la garantie la plus sérieuse, c’est que malgré tout, quelles que, soient leurs ambitions secrètes ou leurs velléités inavouées, les trois empires qui s’attribuent aujourd’hui le droit de régler les affaires du monde ne peuvent s’entendre que pour la paix.

Assurément la Turquie a donné depuis quelque temps bien des griefs, elle a lésé des intérêts européens et légitimé toutes les plaintes. Elle n’a rien fait pour satisfaire et apaiser les populations chrétiennes, dont le soulèvement est l’expiation d’une mauvaise politique. Par impéritie ou