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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 15.djvu/817

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années toutes les expéditions militaires, fussent-elles même dirigées par le général Sheridan, dont la campagne contre les Peigans est restée célèbre. Les libéraux Cherokees dont nous venons de parler ont conçu un rêve qui ne manque pas de grandeur pour émaner de demi-sauvages : c’est la réunion de toutes les tribus indiennes en une seule nation, et la transformation du territoire indien en état indépendant et séparé. C’est un rêve prophétique de mort prochaine pour leur race qu’ont fait là ces néophytes de la civilisation. Ce rêve, le gouvernement américain en médite la contre-partie, l’élévation du territoire indien au rang d’état, reçu dans l’Union au même titre que tous les autres. Pourquoi, s’est-il demandé, le territoire indien ne deviendrait-il pas un état ouvert comme tous les autres à la race blanche ? Jusqu’à présent, la réponse semblait facile, parce que ce territoire est la propriété des Indiens, à qui il a été donné comme compensation des terres qu’on leur enlevait ailleurs. Lorsque les colons européens s’établirent en Amérique, quels étaient les occupans du sol, sinon les Indiens ? En tout pays du monde, l’occupation première a été considérée comme un titre de propriété, et jusqu’à ce jour l’Amérique n’avait pas fait exception à cet égard. On avait eu besoin des terres des Indiens ; mais comme on avait senti qu’on n’avait aucun droit de les déposséder, on avait appliqué à leur égard un équivalent de notre loi d’expropriation pour utilité publique. Voici que maintenant les jurisconsultes de la cour suprême des États-Unis sont en travail sur ce sujet d’une jurisprudence toute nouvelle, d’après laquelle les Indiens, non-seulement comme race, n’ont aucun droit général sur le sol, mais n’ont comme individus aucun droit de tenir en propriété une. portion de leurs terres. Le seul propriétaire légitime est le gouvernement des États-Unis. C’est la confiscation pure et simple ; mais si les Indiens n’ont plus de droits sur le sol, quelle devient leur condition ? celle de mineurs et de pupilles dont l’état doit prendre en mains l’éducation et le gouvernement. En échange de leurs terres et de leur liberté, on leur donnera des précepteurs méthodistes et anabaptistes pour leur enseigner la morale chrétienne, et comme ces écoliers portent dans leur sang un goût héréditaire pour l’école buissonnière, on les entourera de postes militaires pour réprimer leurs instincts de vagabondage. Et maintenant, si vous voulez savoir ce qui adviendra ensuite, prêtez l’oreille à cette petite conversation entre M. Dixon et un journaliste du Texas, à bord d’un bateau à vapeur.


« — Je suppose que vous êtes un correspondant de la presse de New-York ?

« — Non, monsieur, je suis un visiteur de la vieille contrée.