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III

Ces prémisses vont nous servir à rechercher quel est le meilleur mode de nomination des maires, c’est-à-dire celui qui offre le plus d’avantages et le moins d’inconvéniens, car aucun ne peut se flatter d’être parfait et de braver la critique. Lorsque fut discutée au corps législatif la loi du 22 juillet 1870, cinq systèmes ont été en présence. Les uns (amendement de Choiseul, Jules Favre) voulaient faire nommer les maires et adjoints par tous les électeurs de la commune ; les autres (amendement Grévy, Desseaux, Gambetta) les faisaient élire par les conseillers municipaux ; d’autres (amendement d’Andelarre) proposaient la nomination par le gouvernement sur une liste double présentée par le conseil municipal ; d’autres encore (c’était le projet du gouvernement, qui est passé dans la loi) voulaient que le pouvoir central conservât sa prérogative, à charge de l’exercer dans le sein du conseil. Restaient enfin les partisans du statu quo, du droit absolu pour le gouvernement de prendre le maire où bon lui semble, c’est-à-dire soit en dedans, soit en dehors du conseil.

On nous pardonnera de ne pas nous attarder à discuter le premier système. Faire nommer les maires par tous les électeurs de la commune, s’exposer aux choix les plus bizarres et les plus fâcheux et créer en même temps à côté du conseil municipal et au-dessus de lui un pouvoir issu comme lui du suffrage universel, c’est se jeter de gaîté de cœur au-devant de tous les conflits et de toutes les complications. Peut-être faisons-nous injure au bon sens de ceux qui ont proposé ou proposent encore ce mode de nomination. Il est en effet probable qu’ils n’en sont pas dupes eux-mêmes. Ce n’est entre leurs mains qu’une arme d’opposition, et l’on n’aurait pas à craindre de les voir s’en servir s’ils arrivaient au pouvoir. — Le troisième système n’est qu’une variété du second ; c’est au fond et sous une forme adoucie la désignation du maire par le conseil municipal. A vrai dire, il n’y a donc que trois systèmes en présence, et sans doute ce seront les seuls qui seront sérieusement discutés devant les chambres.

La nomination du maire par le conseil municipal a été soutenue par de graves et éminens esprits, parmi lesquels il suffit de citer M. le duc de Broglie, dans un livre posthume que nous avons déjà cité. Il est incontestable qu’un corps délibérant, comme un conseil municipal, de quelque façon qu’il soit composé d’ailleurs, a beaucoup plus d’aptitude à faire une pareille désignation qu’une masse électorale qui s’adresse toujours en pareil cas au nom le plus populaire, et, dans les grands centres, le plus retentissant.