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qu’un défenseur dans la commune, défenseur d’autant plus timide qu’il est moins soutenu en haut et plus attaqué en bas, c’est le maire. Il est donc indispensable que le gouvernement, dépositaire momentané des intérêts supérieurs de l’état, le choisisse lui-même et le présente aux populations comme celui qui a sa confiance.

Le pouvoir exécutif nommera donc lui-même le maire ; mais deux systèmes restent encore en présence : l’un qui laisse au gouvernement le droit absolu de le choisir, l’autre qui l’oblige à le prendre dans le sein du conseil municipal. Auquel des deux doit-on se rallier ? Nous avons dit au commencement de cette étude que nous examinerions le problème sans tenir compte des nécessités du moment, et sans entrer dans cet esprit de transaction, qui est parfois un bienfait, parfois un danger, mais souvent une condition du régime parlementaire. Toutefois nous ne voulons pas envisager l’institution d’une façon abstraite et l’isoler du cadre dans lequel elle est placée par la force des choses et destinée à fonctionner. Voici donc comment la question doit se poser. Étant donné un grand pays comme la France, organisé en république parlementaire, avec le suffrage universel à la base, et comptant 36,000 communes parmi lesquelles 86 chefs-lieux de département, 365 chefs-lieux d’arrondissement et 2,805 chefs-lieux de canton, comment le maire doit-il être choisi ?

Supposons d’abord qu’on oblige le gouvernement à prendre le maire dans le sein du conseil municipal ; que va-t-il se passer ? Nous commençons par reconnaître que, dans les petites communes, qui forment la grande majorité, le choix du pouvoir exécutif pourra s’exercer d’une manière assez large. Il n’y a pas dans ces petites localités assez d’hommes possédant les notions rudimentaires indispensables à un conseiller municipal pour qu’on puisse faire plusieurs listes ; il n’y en a qu’une, qui contient tous les administrateurs passés, présens et futurs. Mais dans les villes il en sera tout autrement, surtout dans les grandes villes. Là, les partis sont tranchés, les listes exclusives et homogènes. Avec le suffrage restreint, tel qu’il a fonctionné de 1831 à 1848, les électeurs et les éligibles étant pris dans la classe moyenne, le gouvernement était sûr d’avoir du moins devant lui des adversaires éclairés, imbus d’idées conservatrices et suffisamment pénétrés, alors même qu’ils étaient égarés par la passion, des nécessités gouvernementales ; mais aujourd’hui l’ignorance prime l’instruction, les instincts aveugles dominent la lutte des partis, et une liste victorieuse peut ne présenter aucun nom recommandable, aucun nom acceptable même, pour occuper ce poste de maire qui, on ne saurait trop le répéter, est un poste de magistrat encore plus qu’un poste d’administrateur. — Et voyez les complications, les dangers du système proposé ! Le