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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 16.djvu/233

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d’exagérations, le bruit assourdissant qui s’est fait autour d’une aventure si simple. Entre partisans et adversaires de la candidature de M. Buffet, on aurait dit réellement qu’il s’agissait de tout perdre ou de tout gagner. Voilà ce qu’il y a de plus sérieux, parce que c’est l’indice d’une situation où au moindre incident tout est remis on question, où les institutions elles-mêmes sont rendues responsables de ces alternatives de défaites et de victoires, auxquelles les partis doivent s’accoutumer, qui sont le phénomène naturel et régulier d’un régime pratique de liberté parlementaire. — Quoi donc ! la chambre des députés est-elle un peu incohérente, un peu inexpérimentée, un peu ardente d’opinions ou d’instincts ? Aussitôt on ne voit que menaces révolutionnaires, il faut se hâter de détourner l’orage et se préparer à saisir l’occasion de dissoudre cette dangereuse chambre ! Le sénat nomme-t-il M. Buffet ou a-t-il l’air de vouloir s’opposer à quelque loi, vite, d’un autre côté, on met le sénat en suspicion, on lui déclare qu’il n’est qu’un rouage inutile, qu’on ne souffrira pas qu’il se prenne au sérieux, et on le menace de la mort périodique des sénats à la prochaine occasion, c’est-à-dire à la prochaine révolution. Qu’il y ait quelque difficulté dans les rapports du gouvernement avec les chambres, avec les partis qui s’agitent dans les chambres, aussitôt c’est la constitution qui est mise en cause, c’est le pouvoir exécutif qui est attaqué dans ses prérogatives, qui est bien et dûment averti qu’il n’est institué que pour être l’humble serviteur de toutes les prétentions, si ce n’est de toutes les outrecuidances. Et on ne voit pas qu’avec ces procédés, avec cette façon de faire de la politique, on propage incessamment l’incertitude dans les esprits, on crée l’insécurité permanente, on accrédite cette idée que rien ne s’affermit, que rien n’est stable, que nous sommes au régime d’expériences qui dureront ce qu’elles pourront. Les partis qui n’ont aucun désir de voir les institutions nouvelles s’enraciner et se régulariser peuvent y trouver leur compte ; au besoin, si l’on veut, ils encourageront les propositions agitatrices, ils exagéreront les revendications radicales, et même les bonapartistes se feront les promoteurs empressés de toute sorte de réformes populaires, de suppressions d’impôts, — ils se feront en gens experts les défenseurs de toutes les libertés ! C’est une tactique toute simple pour ne pas laisser au régime qu’ils combattent le temps de s’établir par l’expérience, par les garanties qu’il peut offrir, si on sait le pratiquer ; mais que peuvent gagner les républicains à entrer dans ce jeu, à défier le sénat pour une élection importune, à discréditer les institutions par des conflits inutiles, à laisser croire que tout est perdu si on ne destitue pas quelques préfets ou quelques sous-préfets de plus et même quelques ambassadeurs ? Oui, que peuvent gagner les républicains ? Il n’en résulte qu’une chose, c’est que les difficultés s’accroissent dans la mesure des prétentions des partis, et qu’il y a sinon