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prix modique de 64 taëls (environ 500 francs). On trouve de quoi nourrir hommes et bêtes sur tout le parcours, sauf les trois jours de marche qui séparent Khamil de la porte de la grande muraille, et pendant lesquels on traverse le désert Gobi.

M. de Richthofen propose de choisir pour la voie ferrée la route du nord, c’est-à-dire celle de Kouldja, ou mieux encore, afin d’éviter le voisinage de la chaîne du Thian-chan, de suivre la vallée de l’Irtych jusqu’à Semipalatïnsk et Omsk, où la voie ferrée rejoindrait la ligne de la Sibérie. Cette route a été parcourue en 1875 par le colonel Sosnovski, dans son voyage de Hankow à Pétersbourg. M. Sosnovski était entré en Chine par le chemin qui conduit de Kiakhta à Pékin. De Pékin, il était allé à Hankow, où il avait trouvé un certain nombre de négocians russes venus pour acheter du thé. De là, il avait suivi la grande route des caravanes qui traverse la Dzungarie en passant par Khamil, et il avait rejoint la frontière russe au lac Zaïsan, après un voyage de huit mois. Se présentant ouvertement comme envoyé du gouvernement russe, il avait trouvé partout le meilleur accueil auprès des autorités chinoises, qui l’avaient protégé et l’avaient fait escorter de ville en ville. L’expédition a rapporté de riches collections, des photographies, etc. Avant son retour, on avait reçu de ses nouvelles par un sous-officier cosaque qui, parti de la ville chinoise de Lan-tchéou, avait fait 3,000 verstes en cinquante jours, traversant tout seul un pays complètement inconnu, et était arrivé au poste de Zaïsan avec ses dépêches sans avoir éprouvé le moindre accident.

Le district de Semipalatïnsk est la région la plus heureuse de la Sibérie occidentale ; malgré le froid intense qui y règne en hiver, on l’appelle « l’Italie sibérienne. » Il a pris une importance nouvelle par la découverte de gisemens de charbon. La ville, qui doit son nom aux sept « palais » qu’elle possède, est belle et située dans une plaine fertile ; elle a plus de 8,000 habitans. Il s’y tient deux foires, l’une au commencement de juin, l’autre à la fin de décembre. Le commerce est surtout animé pendant l’hiver. Dès que l’Irtych se couvre de glace, on voit arriver les Kirghiz des steppes voisines avec leurs chameaux portant d’immenses charges de peaux de moutons et d’agneaux, de poils de chameau, etc., qu’ils échangent contre des produits européens, tels que blé, farine, tabac, fer, objets de bois. Chaque hiver, il vient à Semipalatïnsk plus de mille de ces animaux, qui remportent 2,500 tonnes de marchandises. Semipalatïnsk est aux portes de la Chine, car la vallée de l’Irtych perce les remparts de la Mongolie et offre le passage le plus facile pour pénétrer dans le Céleste-Empire. De ce point, le commerce peut rayonner vers la Chine, le Turkestan et la Kachgarie, et déjà les Anglais s’efforcent de disputer aux Russes ces marchés importans.