uniforme, déterminé par une loi. Là est précisément la difficulté du problème des causes finales. L’ordre pur et simple, résultante de forces qui obéissent à des lois dans leur action, peut contenir implicitement l’idée de finalité, mais ne la manifeste pas. Pour la trouver, il faut s’adresser à un ordre supérieur à celui qui règne dans le monde inorganique.
Où la finalité se montre dans tout son jour, sans qu’on puisse avoir même la pensée de la contester, c’est dans les œuvres de l’industrie humaine. Le mouvement d’une locomotive ne s’explique point par la solidité et la malléabilité du fer, par l’élasticité de la vapeur, en un mot par toutes les propriétés qui ont rendu possibles la construction et l’action de cette machine ; elle s’explique véritablement par le but auquel elle est destinée et en vue duquel elle a été construite. Que des causes générales et indéterminées, comme la malléabilité du fer, la pesanteur, l’élasticité, etc., puissent, entre les combinaisons infinies dont la matière est susceptible, en trouver une précise, correspondant à un effet déterminé, c’est ce qui est contraire à toute loi de causalité, et lorsqu’une pareille rencontre se présente à nous, nous l’expliquons en supposant que cet effet préexistait déjà dans la cause d’une certaine manière, qu’il en a dirigé et circonscrit l’action. De là vient qu’en présence d’une machine, d’un outil, d’un débris quelconque de l’industrie humaine, nous disons : Ce n’est pas là un jeu de la nature, c’est l’œuvre des hommes. Déjà Fénelon en avait fait la remarque dans son admirable langage : « Qui trouverait dans une île déserte une belle statue de marbre, dirait aussitôt : Sans doute il y a eu autrefois des hommes, je reconnais la main d’un habile sculpteur. » La révélation de l’âge de pierre par la découverte de grossiers instrumens est une curieuse justification de ces paroles.
Ces exemples, et tant d’autres qu’on pourrait prendre dans les œuvres de l’industrie ou de l’art, offrent tous ce caractère que, toute la construction ou création de l’œuvre est déterminée relativement à un phénomène futur plus ou moins éloigné. C’est ce caractère seul qui en fait la portée décisive, en ce qui concerne l’idée de finalité. Alors le principe de causalité ne permet plus à la pensée de s’en tenir à telle loi, ou à tel ensemble de lois de la nature pour expliquer le résultat. Tant qu’il n’y a dans le résultat qu’une simple combinaison ou concordance de phénomènes, le rapport de la cause à l’effet y suffit. Du moment que la combinaison, pour être comprise, doit être rapportée, non-seulement à ses causes antérieures, mais à ses effets futurs, le rapport de cause à effet se transforme en rapport de moyen à but. Tel est le principe de finalité, conséquence sans doute du principe de causalité, non pas absolue, mais