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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 16.djvu/500

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C’est ce que M. Janet établit par une analyse d’une saisissante clarté dans un de ses meilleurs chapitres, où il multiplie et varie les exemples à l’appui de sa thèse. Quand nous disons la thèse de M. Janet, nous avons tort ; c’est la thèse même du sens commun, dont il a su faire autre chose qu’un lieu-commun par la savante méthode qu’il a mise à la traiter. Toujours attentif à ne pas compliquer la vérité qu’il veut démontrer par des questions qui peuvent s’y rattacher sans lui être absolument connexes, M. Janet ne s’applique tout d’abord, dans l’analyse des faits à laquelle il se livre, qu’à mettre une chose en relief, la finalité commune aux œuvres de la nature et aux œuvres de l’industrie humaine. Distinguant la fin de l’intention propre aux œuvres de cette dernière catégorie, il se borne à rechercher si dans les œuvres de la nature le rapport de moyen à fin n’est pas aussi évident que dans les œuvres de l’art, quelle que soit d’ailleurs la cause interne ou externe de ce rapport. Est-il possible de ne pas voir dans les organes, les fonctions, les opérations instinctives des êtres vivans autre chose qu’une simple rencontre de causes ? Nous répondons : non, avec M. Janet, comme avec Cuvier, avec M. Milne Edwards et M. Claude Bernard, avec les plus grands philosophes et nos premiers naturalistes, avec le plus simple bon sens comme avec la science la plus sévère, car il n’y a pas moyen pour les adversaires des causes finales de se soustraire au dilemme : la finalité ou le hasard. Il n’y a pas de milieu où la subtilité des écoles nouvelles puisse se réfugier pour échapper à l’absurde et à l’incroyable. Parler de l’action uniforme des lois physiques et chimiques, ce n’est pas sortir de la théorie du hasard. On n’en sort réellement que par l’idée de fin, loi supérieure qui domine et dirige l’action des forces élémentaires de la nature. Il y a, dans cette transition forcée d’un règne à l’autre, une difficulté que ni la mécanique, ni la physique, ni la chimie ne suffit à vaincre.

La démonstration de la finalité dans les œuvres de la nature vivante a été tant de fois faite, par les théologiens et les philosophes d’abord, et surtout par les maîtres de la science eux-mêmes, qu’il n’y aurait ni intérêt ni utilité à la reprendre en détail, après la belle et forte étude à laquelle nous ne pouvons que renvoyer le lecteur. M. Janet ne s’est pas contenté des conclusions des naturalistes contemporains les plus illustres, Cuvier, Muller, Flourens, Milne Edwards, Claude Bernard, à propos des fonctions et des instincts de la vie animale ; il a concentré son analyse sur le plus merveilleux des ouvrages de la nature, l’organe de la vision. En faisant l’énumération de toutes les conditions nécessaires au résultat final, la vision distincte, il fait ressortir avec une force nouvelle l’impossibilité de l’hypothèse qui l’expliquerait par des combinaisons fortuites se