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réalité, c’est ce dont la méthode scientifique ne nous permet guère de douter, sous peine de réaliser des abstractions. Ce qui est certain pour l’école physiologique dont M. Robin est un des maîtres les plus éminens, c’est que la seconde série est déterminée par la première, de façon que, si le physiologiste pouvait assister au jeu du mécanisme cérébral tout entier dans ses moindres détails, il lui serait possible de déterminer la suite des phénomènes psychologiques dont il n’aurait pas conscience. Cela étant, à quoi se réduit l’activité humaine, que la conscience nous montre poursuivant un but dans ses œuvres ? A une pure et superficielle apparence. La conscience n’est pas le champ de la vie réelle ; elle n’est qu’une scène de théâtre disposée pour une vaine représentation. L’homme se croit libre, poursuivant librement dans ses actes une fin préconçue et délibérée. Au fond, toute cette fantasmagorie psychologique n’est qu’une sorte d’illusion d’optique qui couvre la vraie réalité, c’est-à-dire le jeu du mécanisme interne qui se passe dans le cerveau. Nos sensations, nos imaginations, nos désirs, nos pensées, nos volontés, ne sont que des mouvemens de la machine cérébrale mise en branle elle-même par les actions moléculaires des cellules que provoquent les impressions du dehors, et la finalité, de même que la liberté de nos actes, se ramène ainsi à la fatalité des lois de la nature.

Voilà donc la réalité universelle expliquée par le principe de causalité, sans la moindre intervention du principe de finalité. Nulle part, selon l’école mécanique, il n’est nécessaire de substituer le rapport de moyen à fin au rapport de cause à effet, dans l’explication des phénomènes de la vie, aussi bien que des phénomènes de la pure matière. Hypothèse vraiment séduisante par son admirable simplicité, par une certaine apparence de rigueur, et qui aura toujours le plus grand succès auprès des esprits superficiels, pour lesquels la clarté est le signe de la vérité. Ce n’est pas, nous aimons à le reconnaître, son unique, ni même son principal mérite. Tant qu’on ne dépasse point le domaine de la science pure, il n’y a qu’à s’incliner devant les méthodes, les découvertes,.les théories de nos savans. Quelle philosophie n’admirerait pas l’hypothèse si simple de l’illustre géomètre Laplace expliquant la formation du système solaire par les seuls principes de la mécanique ? N’est-ce pas la méthode scientifique par excellence, dont Galilée, Kepler, Descartes, Newton, ont donné de si beaux exemples, cette méthode qui simplifie les problèmes pour les résoudre, en écartant de ses explications tout ce qui est étranger aux principes de la philosophie naturelle ? Quelle philosophie n’admirerait également cette belle théorie du grand minéralogiste Haüy et de ses successeurs sur la formation géométrique des minéraux, dont les élémens viennent se