Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 16.djvu/583

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas à contempler la riche décoration de la chambre royale, ni l’ameublement somptueux dont on avait pris soin d’en rehausser la magnificence ; il s’avança vers le trône d’un pas ferme et adressa en russe, aux deux époux assis sous le même dais d’honneur, une courte harangue. Cette harangue fut à l’instant traduite en anglais et en espagnol par les interprètes. Osip remit alors aux souverains, en même temps que deux lots de zibelines, les lettres d’Ivan IV, que, grâce à la protection divine, il était parvenu à sauver du naufrage. Le roi et la reine l’embrassèrent cordialement, puis tous les courtisans le reconduisirent à la barque qui l’attendait au pied même du palais. L’ambassadeur d’Ivan Vasilévitch put ainsi regagner par eau sa demeure, salué, durant ce long parcours, par les acclamations enthousiastes de tout le peuple de Londres. Deux jours se passèrent : l’évêque d’Élie et sir William Peter vinrent alors, par ordre de leurs majestés, conférer secrètement avec Osip Népéi. Les conditions d’un traité de commerce et d’alliance furent bientôt réglées. La besogne de la diplomatie se simplifie beaucoup entre agens qu’un intérêt commun et nettement défini rassemble. Au parchemin sur lequel ces conditions furent inscrites, le lord du sceau privé suspendit la cire blanche empreinte du sceau royal, et ainsi se trouva confirmée pour trois siècles la plus solide et la plus profitable amitié qui ait jamais présidé aux échanges de deux peuples.

La saison cependant avançait. La compagnie venait de fréter quatre navires capables de recevoir dans leurs flancs de riches cargaisons : le Primerose ; de 240 tonneaux, confié à John Buckland ; le Jean-l’Évangéliste, de 170 tonneaux, ayant pour maître après Dieu Laurence Roudal, l’Anne et la Trinité de Londres, jaugeant 160 et 140 tonneaux, sous le commandement de David Philly et de John Robins. Chancelor, il est vrai, n’était plus là pour diriger la flotte ; Sébastien Cabot, après avoir vu le couronnement de son œuvre, touchait aussi au terme de sa longue carrière. Sa main n’apparaît plus du moins dans les décisions du conseil ; mais nous pouvons sans crainte nous figurer ce grand cosmographe et ce grand pilote devisant tous les deux avec Magellan et Christophe Colomb sous les ombrages des Champs Élysées. Privée de leurs services, la navigation hauturière ne manquera pas de guides. Stephen Burrough a déjà pris la place de Chancelor ; Gérard Mercator prépare à Duisbourg sa mappemonde basée sur la théorie des latitudes croissantes, et voici Anthony Jenkinson qui suppléera amplement sir Hugh Willoughby. Déjà connu par de nombreux voyages sur toutes les côtes de la Méditerranée, Jenkinson venait d’être nommé capitaine-général de la nouvelle escadre. Pour vaisseau amiral on lui