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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 16.djvu/590

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nombre de seize viennent à bord. Quelques-uns parlent le russe ; je leur demande où ils vivent. Ils me répondent qu’une de leurs hordes, composée de cent hommes, sans compter les femmes et les enfans, habite non loin de là, sur les bords de la rivière Jekonga. Ils m’apprennent en même temps qu’ils se sont rapprochés de la côte pour y chercher leur subsistance sur les roches, puis ils ajoutent avec résignation : — « Quand nous ne trouvons rien, nous ne mangeons pas. » J’ai vu de ces pauvres gens, comme une vache qui paît, manger avec avidité des herbes marines ; d’autres avalaient des œufs crus, et avec ces œufs, les petits près d’éclore.

De l’île Saint-Jean le Searchthrift a passé au cap Cherni, puis aux sept îles qui, pour Burrough, sont les îles Saint-George. « Sous la plus méridionale de ces îles on trouve une bonne rade, bonne du moins quand les vents se bornent à souffler du nord-ouest au nord-est. » Après les îles Saint-George viennent les îles Saint-Pierre, — îles Oleni, — puis les îles Saint-Paul, — îles Gavril, — le cap Sower, — cap Teriberskoï, — enfin l’île Kilduin. « On dirait de loin une grande baie semée d’une foule d’îlots. » "Vingt lieues encore, et la pinnace sera bien près d’arriver à Kegor. Elle aura doublé le cap Bonaventure, — le cap Loukoï, — et le cap Chebe-Novoloche, — la pointe Lavitch[1], — « sur laquelle on distingue une tache noire, hutte abandonnée de quelque trappeur ; » elle contournera la pointe Kekourski, a pareille à deux collines rondes, avec une selle au milieu ; » le 27 juin, elle jettera l’ancre par 15 brasses à un demi-mille de terre. « Dans le port même, on peut affourcher deux ou trois petits navires dont le tirant d’eau ne dépasse pas 11 ou 12 pieds. On y est à l’abri de tous les vents. Une chaîne de roches défend le mouillage contre les vents du nord ; le vent d’est-nord-est reste le plus à craindre. » Une barque de Drontheim, trois ou quatre bateaux norvégiens de Bergen, occupaient déjà le mouillage de Kegor quand le Searchthrift, le 30 juin, gagna le fond de la baie. Ce fut de ces équipages étrangers que Stephen Burrough apprit le sort des navires dont il n’avait encore pu trouver aucune trace. « Le fils du bourgmestre de Drontheim » avait vu le Philippe-et-Marie hiverner dans ce port et en repartir pour l’Angleterre au mois de mars. La Confidentia était complètement perdue ; le fils du bourgmestre avait acheté ses voiles. La Speranza, au dire des marins du yacht, avait sombré au large. Après ces informations si précises, le Searchthrift pouvait, sans se livrer à de nouvelles recherches, reprendre le chemin de la Dvina. Sa croisière avait été infructueuse ; devait-elle cependant s’appeler

  1. Pointe Lavitch, latitude 69° 46’ nord, longitude 30° 45’ est.