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impérial, ainsi l’Angleterre compte dans l’Inde des regulation provinces, exclusivement régies par les lois qui ont été régulièrement promulguées dans le conseil suprême, — des non-regulation provinces, où une partie notable de cette législation fait place aux instructions secrètes et variables du gouverneur-général, — enfin des native states, où des chefs indigènes restent en possession de la souveraineté sous le contrôle du résident accrédité à leur cour. L’ancienne distinction de respublica et d’imperium se retrouve dans les termes de « royaume » et « d’empire, » usités par le gouvernement anglais pour désigner respectivement sa sphère d’action dans les îles britanniques et dans ses nombreuses possessions d’outre-mer. Enfin il n’est pas jusqu’au royal titles bill, récemment voté par le parlement, qui ne rappelle, — d’une façon assez malheureuse d’ailleurs, — la nuance établie, aux premiers temps de l’empire romain, entre les qualifications de princeps, d’imperator et de dominus, suivant qu’on interpellait César comme président du sénat, chef des citoyens ou souverain absolu des sujets.

Toutefois cette analogie n’existe qu’à la surface : les deux organismes ont beau offrir des rouages identiques, tout différent est l’esprit qui les pénètre et les anime. Tandis qu’à Rome le but du gouvernement reste l’exploitation des sujets au profit d’une ville, d’une classe ou d’un homme, l’Angleterre nous donne pour la première fois l’exemple d’une domination organisée par le conquérant pour le bien de la population conquise. Qu’on ne s’y méprenne pas : nous sommes loin de prétendre que les Anglais conservent l’Inde dans un dessein entièrement désintéressé. Les débouchés qu’y trouve leur commerce, les emplois qui y sont réservés à leurs fils de famille, l’entretien de soixante mille soldats européens par le trésor local (bien que, dans ce dernier cas, nous ne voyions guère comment la mère patrie, même dans une heure de crise, pourrait sans imprudence dégarnir la péninsule de ses troupes européennes), ce sont là des avantages qui se chiffrent annuellement par plusieurs millions de livres sterling, payés par l’Inde à l’Angleterre. De même il est incontestable que la possession de l’Inde ajoute considérablement au prestige de la couronne britannique. La liste des hommes politiques qui, avant de se distinguer dans le gouvernement de la métropole, ont fait leurs premières armes dans les différentes branches des services anglo-indiens, prouve que, comme école d’administration, l’Inde réagit d’une façon heureuse jusque sur les affaires intérieures de la Grande-Bretagne. Enfin c’est l’Inde qui, en faisant de l’Angleterre une puissance asiatique, la contraint de rester une puissance européenne, malgré les tentations de sa position insulaire et les sollicitations de ses intérêts économiques. « Sans l’Inde, nous ne serions plus qu’une nation de boutiquiers, » me