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importante, à vrai dire, et la plus avancée des dix provinces qui constituent l’empire anglais de l’Inde, — entretenait à elle seule 1124 scholarships de divers degrés ! Nous ne connaissons pas de nation civilisée où le talent ait autant de chances pour se faire jour dans l’organisation de l’instruction populaire, quels que soient le rang, la classe, la fortune où il se rencontre, et l’on peut affirmer que, parmi nos états européens, aucun gouvernement ne pourrait, sans être taxé de socialisme, intervenir d’une façon aussi libérale pour faciliter l’éclosion du génie pauvre. Certains esprits ont même accusé l’Angleterre d’avoir trop encouragé le développement de l’instruction supérieure dans l’Inde, et, à l’appui de leurs critiques, ils font valoir l’encombrement qui existe, depuis plusieurs années déjà, dans le barreau et l’administration natives, les deux carrières les plus en faveur parmi les lettrés indigènes ; mais il ne faut pas perdre de vue que la première nécessité de l’Inde c’est la diffusion de nos connaissances et de nos méthodes par l’enseignement public, et notamment par l’enseignement supérieur.

Du reste le gouvernement s’occupe à juste titre de détourner vers des professions plus nombreuses et plus pratiques le flot montant de l’instruction indigène, et à cet effet il ne cesse de développer les moyens d’enseignement professionnel dans des écoles consacrées à la médecine, aux arts, à l’industrie, aux sciences physiques et naturelles, aux sciences forestières, au génie civil, à l’arpentage des terres, etc. A côté de ces divers établissemens, il a organisé quatre-vingt-deux écoles normales pour former des gourous (maîtres d’école) et des pundits (professeurs). Enfin il a compris que jamais il ne parviendrait à achever sa mission civilisatrice, s’il n’étendait les bienfaits de l’instruction à la partie féminine de ses sujets. Mais là il se heurte à un des préjugés les plus enracinés de l’Inde, et, bien qu’il ait ouvert, avec le concours de certaines associations privées, plus de 15,000 écoles destinées aux femmes, les rapports officiels constatent chaque année que ces établissemens restent à peu près vides. On soutient pourtant que, parmi les classes supérieures de la société native, l’éducation des filles fait certains progrès, grâce aux institutrices spécialement formées pour porter l’instruction dans l’intérieur des familles. Sir Richard Temple affirme qu’au dire de presque tous les natifs appartenant à la classe lettrée du Bengale, les femmes de leurs familles connaissent, la lecture et l’écriture, bien qu’elles n’aient jamais fréquenté d’écoles publiques. Lorsque je visitai Hayderabad, la capitale musulmane la plus mal famée de l’Inde pour son fanatisme et sa turbulence, je fus tout surpris d’y dîner, chez le premier ministre du nizam, en compagnie de deux jeunes institutrices françaises que son excellence avait fait venir avec leur père pour donner des leçons aux dames de la