lorsque dans chaque district un seul représentant de l’autorité concentrait tous les pouvoirs dans sa personne et exerçait sur ses administrés une autorité aussi absolue qu’arbitraire. D’autres préconisent ce que les Anglais ont appelé a scientific government, c’est-à-dire un gouvernement entièrement conforme aux données de la science pure, — la multiplication des règlemens, l’organisation de chaque service public en un département distinct, enfin la centralisation de l’autorité politique dans les bureaux de Calcutta ou même de Londres. A l’appui de ces vues on fait valoir qu’avec la vapeur et le télégraphe il n’y a plus de raison pour abandonner les populations aux fantaisies de leurs administrateurs, qu’il vaut mieux être gouverné par des principes que par des hommes, enfin que la division du travail est aussi féconde dans le gouvernement des peuples que partout ailleurs. De l’autre côté, on soutient que le système des départemens spéciaux a produit un développement exagéré de la bureaucratie, qu’il tend à tuer chez les fonctionnaires toute originalité et toute initiative, qu’il est le principal coupable dans cette élévation des dépenses publiques déjà déplorée par lord Mayo dans une dépêche célèbre, et aujourd’hui encore si menaçante pour l’avenir de l’Inde, — enfin que la centralisation exagérée est contraire à la nature des faits dans un pays aussi étendu et aussi varié. Après avoir oscillé quelque temps entre ces deux systèmes, le gouvernement a adopté un moyen terme qui semble une solution fort judicieuse, c’est-à-dire qu’il a remis à des départemens spéciaux la solution des questions techniques, la promulgation des règlemens et l’exécution matérielle des travaux, tout en confiant dans chaque district à un fonctionnaire unique l’initiative et le contrôle des mesures à prendre. Néanmoins l’opposition de ces deux partis, où l’on sent percer l’éternel antagonisme de la théorie et de la pratique, de la réforme et de la conservation, reparaît dans presque toutes les questions qui se rattachent à l’organisation politique et sociale du pays. Les uns voudraient inculquer aux indigènes non-seulement les connaissances, mais encore les principes et les méthodes de l’Europe ; les autres soutiennent que les institutions de l’Occident ne sont pas faites pour les races de l’Inde, et qu’au lieu de poursuivre une acclimatation artificielle de nos procédés juridiques, de nos magistratures électives, de notre régime foncier et industriel, voire de notre égalité civile et politique, on ferait mieux de développer, en les améliorant, les rouages historiques de l’organisation indigène, tels que les communautés de village, le pouvoir héréditaire des chefs locaux, la hiérarchie des castes ou plutôt des corporations professionnelles, enfin les prescriptions du droit hindou et mahométan. En matière de finances, les premiers réclament un système d’impôts variés, atteignant au même
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