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rapport de M. de Lavenay, président de la section des finances au conseil d’état, qui remplissait les fonctions de commissaire-général. Des tableaux détaillés indiquent les votes de chacun des membres du conseil et les opinions des déposans sur les divers points mis en délibération. C’est une bonne fortune de rencontrer des enquêtes pareilles. Comment donc celle-ci a-t-elle été passée sous silence au sénat ? Serait-ce qu’il n’y ait pas eu de majorité réelle au sein du conseil supérieur et que cette assemblée ait été prise de cette maladie de l’indécision et de l’ajournement qui affecte les corps politiques à l’heure présente ? Aucunement. Les circonstances étaient loin de l’urgence qui nous presse aujourd’hui. La monnaie d’or dominait dans le pays, mais la dépréciation de l’argent était nulle. C’est ce que fit observer alors le gouverneur de la Banque, M. Rouland, un des principaux témoins entendus. Quelle différence avec le moment actuel, où l’on est talonné par une baisse de plus de 20 pour 100 ! Le gouvernement n’exerça pas l’ombre d’une pression. Le conseil supérieur du commerce opérait et délibérait donc dans des circonstances où tout le conviait au calme, où sa liberté d’esprit était entière et où il devait nécessairement arriver à des conclusions dignes de passer dans les lois et dans la pratique. On vit clairement que le système des monnaies françaises ne pouvait rester tel qu’il était, qu’il existait dans la civilisation un courant qui poussait les nations grandes et riches à adopter l’or pour la base du système monétaire, que ce dernier métal devait être l’instrument principal des échanges internationaux, que la France en était abondamment pourvue et qu’elle pourrait se défaire à peu près sans perte de l’excédant d’argent qui lui resterait après qu’elle aurait suffisamment développé le billon fait de ce métal. En un mot, après un mûr examen, on eut l’opinion très ferme que ce qu’il y avait de mieux à faire était de s’approprier le système monétaire de l’Angleterre, qui est consacré par l’expérience et qui se résume ainsi : l’or pour étalon unique, l’argent pour les appoints et pour les petits paiemens de la vie domestique.

Le rapport du commissaire-général constate que sur la question de l’étalon unique d’or, vingt-trois membres du conseil ayant voté, dix-sept se sont prononcés affirmativement ; six seulement ont demandé le maintien du régime dit du double étalon, avec le rapport de 15 1/2 entre les deux métaux. Au sujet des pièces d’argent de 5 francs, le commissaire-général résume la délibération en ces termes : « Quant à la pièce de 5 francs en argent, la majorité a pensé qu’il y avait lieu d’en interdire la frappe pour l’avenir, et quelques membres ont émis l’avis qu’on pourrait limiter la part que cette pièce devrait prendre dans les paiemens à faire. »

L’enquête du conseil supérieur avait été précédée par une