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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 16.djvu/722

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en votant comme il l’a fait sur la collation des grades, et si on peut discuter la décision qu’il a prise, ce n’est point une raison pour y voir un excès d’autorité ou une provocation.

Allons plus loin. Le sénat est en ce moment saisi de la loi des maires votée récemment par la chambre des députés. Qu’on le remarque bien : c’est une loi provisoire substituée à une loi provisoire, qui elle-même avait remplacé une première loi non moins provisoire de 1871, et dans l’acte législatif qui date de quelques jours on a introduit un amendement de la dernière heure prescrivant une réélection générale des municipalités. Supposez que le sénat, regardant de plus près cette combinaison improvisée, se dise qu’en fin de compte il serait plus naturel, plus régulier, d’ajourner l’élection, c’est-à-dire une crise d’agitation locale toujours fatigante pour le pays, jusqu’après la loi organique des municipalités ; supposez qu’il écarte une disposition que le gouvernement n’avait pas proposée, qu’il ne soutient aujourd’hui que parce qu’il l’a acceptée au dernier instant dans la chambre des députés ; supposez tout cela, est-ce que cet acte tout simple de maturité et de prudence passera aussi pour un abus de pouvoir, pour un défi, pour le témoignage redoublé d’une préméditation d’hostilité ? Est-ce que ce sera encore un conflit ? Mais alors comment en vérité comprend-on le régime constitutionnel et parlementaire ? Est-ce qu’en organisant deux chambres, on s’est figuré qu’elles seraient toujours du même avis, que l’une ne devait être que l’écho de l’autre ? Elles existent précisément, ces deux chambres, pour avoir quelquefois des opinions différentes, pour se contrôler, pour se corriger mutuellement, parce qu’elles n’ont ni la même origine, ni la même composition, ni le même tempérament. S’il en était autrement, il aurait mieux valu dire dans la constitution qu’on créait un pouvoir exécutif et un sénat, mais que sénat et pouvoir exécutif étaient mis au monde pour sanctionner et promulguer les volontés souveraines d’une majorité de la seconde chambre conduite par quelques meneurs pleins du sentiment de leur omnipotence. Ce n’est pas sérieux, et, avant de parler de conflits, nous attendrons des témoignages plus décisifs de l’hostilité systématique du sénat. Au lieu de tant s’agiter et de s’emporter si vivement contre des difficultés qui n’ont rien d’extraordinaire, les chefs de la majorité de la seconde chambre auraient bien mieux fait de hâter la préparation du budget présenté depuis cinq mois ; ils feraient bien mieux aujourd’hui de prendre leur parti de voter ce budget, au lieu d’avoir l’air de se ménager une session supplémentaire comme un moyen de prépotence sur le gouvernement.

Si l’on avait pu croire à une marche rapide et foudroyante de la guerre allumée en Orient entre les Serbes et les Turcs, on serait un peu détrompé. Rien de décisif n’apparaît encore. Il est certain que les événemens se déroulent avec lenteur, dans une obscurité que les dépêches répandues à profusion de tous côtés ne contribuent pas à éclaircir.