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matière une théorie ingénieuse suivant laquelle le beau ne serait pas fait pour qu’on l’admire, mais pour qu’on vive avec lui. Cela le dispensait au moins des extases de commande. Quand il revint en Angleterre, il ne sut pas résister aux instances qu’on lui faisait pour qu’il se présentât aux électeurs d’Edimbourg. Le ministère sentait sa popularité décroître et voulait tirer parti du nom de Macaulay en donnant à celui-ci le secrétariat de la guerre avec un siège dans le cabinet.

Les perspectives du parti libéral n’étaient pas alors très brillantes. Aux émotions de l’agitation réformiste une réaction avait succédé, et le découragement s’était glissé dans les rangs de ceux qui préféraient leur pays à leur opinion. Cependant jamais ministère n’avait accompli de plus grands et de plus heureux changemens que celui que lord Grey et lord Melbourne dirigeaient depuis 1831. Il avait en 1833, au prix de sacrifices pécuniaires considérables, fait disparaître les lois d’esclavage, encore en vigueur dans les colonies anglaises ; il avait aboli le monopole commercial de la compagnie des Indes, ouvrant au reste du monde le trafic de l’Orient ; il avait tenté d’arrêter les progrès du paupérisme ; il avait rendu aux habitans des villes le droit de se gouverner, dont ils étaient privés depuis le XIVe siècle ; enfin, en 1834, il avait jeté les assises d’un nouveau système d’éducation nationale. Quelque salutaires qu’eussent été ces mesures, les difficultés du ministère whig n’avaient cessé de s’accroître et ses jours étaient comptés. Le moment était peut-être mal choisi pour entrer aux affaires ; toutefois il est permis de croire que dans la résolution de Macaulay le sentiment de la fidélité due à son parti menacé n’eut pas moins de part que le plaisir de montrer comment par la seule puissance du talent on peut arriver aux premières charges de l’état avant d’avoir atteint la quarantième année. Il eût sans doute cédé moins facilement à l’offre qu’on lui faisait, s’il se fût douté qu’il ne lui restait plus que dix-huit ans à vivre, et que les forces qu’il allait employer à des débats souvent sans profit lui manqueraient pour l’accomplissement d’un dessein plus cher. M. Trevelyan a raconté avec beaucoup de charme les triomphes et les déboires de cette dernière partie de sa carrière publique ; mais elle ne présente pas le même intérêt que la première et pourrait se résumer en peu de mots. Macaulay n’échappa point à la destinée commune : il commit des fautes, les plus légères, il est vrai, qu’on puisse imaginer en politique, car c’étaient des fautes de goût, et il en porta la peine. Il déplut à ses électeurs d’Edimbourg, ce qui se comprend assez, car il ne s’occupait pas beaucoup d’eux, et ceux-ci lui préférèrent un inconnu. Enfin il lui arriva de parler quand il aurait du se taire, et la chambre des communes ne l’écouta pas. Tout bien pesé,