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Rome la sainteté du pauvre mendiant, auquel les empereurs et le pape font de magnifiques obsèques. On vénère encore aujourd’hui dans l’église de Saint-Alexis-de-l’Aventin l’escalier sous lequel il vécut méprisé. C’est cette légende qui est devenue la matière d’un poème français du XIe siècle dont nous avons quatre remaniemens fort utiles à étudier pour l’histoire de la langue française : on connaît les travaux de M. Gaston Paris sur ce sujet. Or M. l’abbé Duchesne démontre qu’avant le commencement du XIe siècle la légende et le culte sont inconnus en Occident ; le nom même du saint n’y paraît pour la première fois qu’en 987, dix ans après qu’une colonie de moines grecs syriens, avec Sergius de Damas, est venue s’établir auprès de la basilique de l’Aventin, connue auparavant sous l’invocation de saint Boniface. Là est composée la première biographie du saint, sorte de panégyrique qui contient déjà en substance tous les faits développés plus tard dans une foule de récits en toutes les langues. En revanche, saint Alexis est connu en Orient dès le IXe siècle par un hymne qui figure dans le Ménologe, puis par une Vie grecque attribuée par les bollandistes à Siméon Métaphraste, l’hagiographe du Xe siècle. De plus, deux écrits orientaux inédits, l’un arabe, l’autre, syriaque, contenus dans un manuscrit de la Vaticane, paraissent expliquer comment et où la légende s’est formée. Ils la racontent presque entière en l’attribuant à un saint de la ville d’Édesse et en la rapportant aux années 412-435. M. l’abbé Duchesne a retracé en écrivant cette dissertation une page du livre qu’il est destiné sans doute à nous donner sur l’histoire des établissemens et de l’influence des Grecs dans l’Italie du moyen âge, vaste et magnifique sujet pour lequel nul n’est mieux préparé que lui. — Deux autres analecta donnent un catalogue raisonné, avec extraits inédits, des manuscrits grecs possédés par le pape Pie II et appartenant aujourd’hui à la Vaticane, et une transcription de vies de papes inédites, depuis le retour d’Avignon sous Grégoire XI jusqu’à Pie II, d’après un manuscrit de la Vallicellana à Rome.

Mettons encore au compte de M. l’abbé Duchesne la principale part de collaboration dans l’œuvre, commune à plusieurs membres de l’École, d’un catalogue raisonné des manuscrits formant le célèbre fonds de la reine Christine au Vatican. Mentionnons surtout le nouveau voyage scientifique qu’il vient d’accomplir. Après avoir, avec M. Bayet, en 1874, visité le mont Athos, d’où il a rapporté de nombreuses inscriptions, il a projeté cette fois, de concert avec M. Collignon, son autre collègue de l’École d’Athènes, et sur un plan proposé naguère par M. Waddington, d’explorer la côte de l’ancienne Cilicie trachée ; partant de la région de Caunus en Carie, au nord de Rhodes, il se proposait de reconnaître l’emplacement et les ruines de cette ville antique, et de se diriger ensuite vers l’est