vautours, suivant l’énergique expression d’un contemporain, dédaignaient les restes. » La bande maudite arrivait soudainement et disparaissait de même. La moindre apparence de résistance suffisait souvent à déterminer sa retraite. C’est ainsi qu’on la vit s’évanouir des champs de Neustadt[1] le jour où ses vedettes, du haut de la montagne sur laquelle on les avait postées, découvrirent au loin dans la plaine le duc d’Autriche, le roi de Bohême, le patriarche d’Aquilée, le duc de Carinthie et le comte de Bade, avec leur vaillante armée rangée en bataille. Sous Bâti[2] comme sous Djinghis-khan, les Mongols tentèrent moins des conquêtes que des irruptions, mais ces invasions rapides suffisaient à noyer des contrées entières dans le sang et à effacer à jamais la splendeur des cités détruites. La nation moscovite se trouvait, par un voisinage funeste, de toutes les nations de l’Europe la plus exposée à ces désastreuses visites. Elle ne put reprendre le cours interrompu de ses destinées, que lorsque la nation mongole se fut dissoute. Le khan de Samarkande, le terrible Tamerlan, faillit même encore en ce moment l’envelopper dans l’inimitié dont il poursuivait le chef de la grande horde, réfugié à Kief. Après un instant d’hésitation, l’armée tartare se détourna vers le sud. De 1397 à 1404, Tamerlan laboura en tous sens l’Orient ; il n’approcha plus de la Russie.
Délivrée des Mongols, la principauté de Moscou ne pouvait cependant se dire complètement affranchie de la crainte d’un joug étranger. Il lui restait à défendre son indépendance contre les Lithuaniens. Longtemps idolâtre, quand tout autour d’elle subissait la loi de l’Évangile, la Lithuanie avait fini par devenir à son tour chrétienne. Unissant son sort à celui de la monarchie polonaise, elle éteignit en 1382 le feu sacré entretenu jusqu’alors avec soin dans ses temples, donna un époux à la fille de Louis de Hongrie, et reçut en échange, des mains de la princesse Hedvige, la blanche robe du baptême. Par la conversion des Jagellons, le rite latin s’étendit jusqu’à Kief et aux pays situés sur le Dnieper. Cette nouvelle conquête de la papauté opposait une barrière infranchissable au schisme de Photius ; le peuple russe n’en fut que plus porté à repousser des pratiques religieuses derrière lesquelles un ennemi politique semblait abriter ses prétentions. Le duché de Moscou était devenu le centre de l’église orthodoxe ; son prince
- ↑ La ville de Neustadt, dont il est ici question, paraît être Wienerisch-Neustadt, place forte des états autrichiens, située par 47° 49’ de latitude nord, et 13° 55’ de longitude est.
- ↑ Djinghis-khan était mort en 1227, laissant pour héritier Oktaï, son fils aîné. Oktaï, aptes avoir conquis les provinces septentrionales de la Chine, envoya son neveu Bâti soumettre les provinces au nord de la mer Caspienne.