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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 16.djvu/905

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de voir discuter ce titre avec les altérations de frontières que des voisins bienveillans pourraient suggérer. » Obtiendra-t-on, si l’on en vient aux détails, du roi d’Italie de renoncer à la Vénétie et à Rome ? C’est ce qu’il ferait en signant au traité proposé. Obtiendra-t-on de l’Autriche et du pape de donner leur sanction aux nouvelles acquisitions du royaume italien ? « Si le congrès, dit Palmerston, entrait dans le vaste champ des changemens territoriaux possibles, quelles querelles et quelles animosités nous verrions naître ! la Russie redemanderait tout ce que le traité de Paris lui a fait perdre ; l’Italie demanderait la Vénétie et Rome ; la France, au nom de la géographie, demanderait la frontière du Rhin ; l’Autriche montrerait combien il serait avantageux qu’on lui donnât la Bosnie et la Moldo-Valachie ; la Grèce aurait un mot à dire sur la Thessalie et l’Epire ; l’Espagne s’étonnerait que l’Angleterre songe à conserver Gibraltar ; le Danemark dirait que le Slesvig est géographiquement une part du Jutland, que le Jutland faisant partie intégrante du Danemark, le Slesvig doit être dans le même cas ; la Suède réclamerait la Finlande, et les gros états allemands trouveraient opportun de médiatiser une nuée de petits princes. »

Dans une lettre qu’il écrit quelques jours après à lord Russell (2 décembre 1863), il prouve encore que le congrès est une pure chimère ; pour mieux toucher le cœur de son lieutenant, il dit que l’empereur veut sauver ce qui reste du pouvoir temporel du pape, en donnant à ce restant une garantie européenne collective. L’empereur pourrait alors retirer son armée d’occupation ; « la France et les puissances catholiques s’uniraient volontiers pour un tel arrangement, et la Russie pourrait y adhérer par complaisance pour la France. L’Italie serait embarrassée, mais on pourrait lui forcer la main. Nous serions, nous, placés dans ce désagréable dilemme, forcés ou de refuser et de prendre une position directement hostile au pape et antipathique à nos compatriotes catholiques, ou de donner une sanction et une garantie formelle au pouvoir temporel du pape… Ç’a été là probablement un des pièges tendus par Napoléon pour les stupides oiseaux qu’il essaie de prendre. »

Ce « statu quo » auquel Palmerston s’attachait avec obstination et qu’il redoutait de voir ébranlé par un congrès allait bientôt recevoir les rudes coups de la guerre. La question du Slesvig-Holstein était un sujet favori de moquerie pour Palmerston : elle n’avait jamais été, disait-il, parfaitement comprise que par un professeur allemand, et ce professeur en était mort. Le sujet n’était pourtant pas des plus plaisans pour l’Angleterre, et la question des duchés, nourrie dans les universités, grossie par le Bund, prit bientôt la forme brutale d’une conquête. Certes, s’il y avait un petit état qui méritât les sympathies actives de la Grande-Bretagne, c’était le