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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 16.djvu/919

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dépassaient pas 1,283,829 bourses. Il en résultait un excédant de recettes de 174,899 bourses (22 millions de francs). Dans une situation si prospère, comment le gouvernement de l’Égypte a-t-il été amené à ses embarras financiers en moins de trois années ? Cette comparaison suffit pour donner la valeur de la discussion, de l’examen et du contrôle institués par la création du Conseil des délégués. Il n’a certes jamais donné d’ennui à l’administration, et il a laissé arriver tout doucement le pays jusqu’au bord de la faillite, sans hasarder le moindre avertissement ou se permettre la moindre remontrance. Il lui appartenait peut-être, en qualité de délégué des populations, de réclamer une indemnité promise à des habitans de villages récemment dépouillés de leurs terres. Les paysans égyptiens ne sont pas propriétaires ; ils tiennent leurs champs en location, et ils en vendent, avant maturité, la récolte sur pied à vil prix. Si peu que ce soit, pensent-ils, c’est autant de gagné sur le fisc. Les fellahs ressemblent aux Juifs du moyen âge qui se faisaient pauvres pour échapper aux exactions. Mohammed-Saïd-Pacha, le plus généreux des hommes, généreux jusqu’à la prodigalité, avait été touché de leur détresse, et leur avait concédé la propriété de terres libres autour de certains villages, afin de leur inspirer le goût des améliorations et de l’épargne. Le nouveau gouvernement les expropria, promettant aux uns le remboursement et amenant les autres par la persuasion à le supplier de prendre leurs terres. Le but de cette persuasion était facile à deviner. Quoique Ismaïl-Pacha soit un prince humain et nullement tyrannique, quoique les voies de douceur soient celles qu’il préfère, il est toujours bien difficile à un pauvre fellah de lui résister. Il n’y a pas en Égypte de meunier assez osé pour refuser son moulin au roi de Prusse. Quant aux indemnités de rachat, une fois l’expropriation accomplie, il n’en avait plus été question. Un Turc très éclairé, mais d’ancienne école, surpris de tous les biais de l’administration, s’était écrié dans le conseil des ministres : « A quoi bon toutes ces tergiversations ? Si l’on veut une terre, qu’on la prenne. Méhémet-Ali n’y mettait pas tant de façons. » Le conseil des délégués des populations n’aurait-il pas pu prendre en main la cause des expropriés et rappeler leurs droits ? C’eût été une sorte de protestation contre sa fabuleuse inutilité. Si humble qu’eût été sa requête, elle eût au moins prouvé son existence ; mais il n’a démontré que sa complète insignifiance. Aussi n’est-il plus question de la décevante institution des délégués. Ils peuvent s’assembler ou se séparer sans exciter la moindre attention. L’une des premières garanties récemment promises aux créanciers du gouvernement égyptien, dans les décrets consacrés au paiement arriéré de la dette, consiste à soumettre désormais, non