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le plus louable de son administration. On vit donc reparaître dans toutes les capitales l’homme des missions difficiles, le négociateur ordinaire de son altesse, qui de nouveau remplit toute l’Europe de son agitation diplomatique. On entendit répéter de tous côtés les mots de réforme judiciaire en Égypte, et ceux-là mêmes qui n’en comprenaient pas le sens n’auraient pas été fâchés qu’on l’accordât pour n’en plus entendre parler.

Tel ne fut pas le sentiment du ministère ottoman, bien qu’il n’eût pas d’objection particulière à opposer ; mais, indifférent au fond, il fut très sensible à la forme et il s’empressa de protester. « Votre altesse, écrivit-il, sait mieux que personne que, sauf les quelques privilèges établis en sa faveur, l’Égypte ne diffère en rien des autres provinces de l’empire, et que son administration ne peut entretenir des relations officielles directes avec les puissances étrangères… Les voyages continuels en Europe du personnage qui prend le nom et le titre de ministre des affaires étrangères de l’Égypte, dans le dessein d’obtenir, en faveur de celle-ci, le changement des traités, et de nouer à cet effet des négociations directes avec les puissances,… constituent autant de faits attentatoires aux droits de la Sublime-Porte. »

Les droits de la Sublime-Porte pouvaient-ils donc être tels qu’ils missent obstacle à une réforme honorable pour l’empire, utile à ses sujets et indispensable en Égypte ? Le vice-roi n’aurait-il pas été fondé à justifier son initiative par l’inertie même de l’administration souveraine ? Mais les faibles sont toujours susceptibles parce que la conscience de leur faiblesse les porte à supposer facilement qu’on veut leur faire tort. Le vice-roi réussit encore à dissiper les ombrages de l’administration ottomane. Des empiétemens de ce genre sont toujours très difficilement combattus, parce qu’ils sont fondés sur la raison, la justice et le désir de bien faire. Aussi le gouvernement anglais, quoique champion ordinaire des droits du sultan, fut-il le premier à donner son assentiment aux propositions du vice-roi. Lord Stanley, qui était alors ministre secrétaire d’état au foreign office, notifia cet assentiment au consul-général d’Angleterre à Alexandrie en termes très remarquables. Sa seigneurie disait dans sa dépêche au colonel Staunton que, par les capitulations, on n’avait jamais « prétendu priver le gouvernement local de juridiction sur les étrangers en toutes matières pour lesquelles ils se trouvaient en collision avec les lois du souverain territorial. On y avait simplement réservé aux étrangers, comme protection contre l’arbitraire des tribunaux locaux, un certain droit de concours et de surveillance qui pût agir comme un frein contre les abus. »

Cette attitude contribua puissamment au succès définitif de la