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gouverneur. Dans presque tous les états du sud, la défection des républicains libéraux ramena les anciens planteurs dans les assemblées locales et leur rendit la plupart des sièges au congrès. Le résultat définitif des élections au point de vue du nouveau congrès, dont la première session devait s’ouvrir en décembre 1875, pouvait se résumer ainsi : les démocrates l’avaient emporté dans vingt-huit états sur trente-sept. Après avoir été quatorze ans une minorité impuissante, ils avaient dans la chambre des représentans une majorité de près des deux tiers des voix ; dans le sénat, la majorité républicaine se trouvait immédiatement ramenée à huit ou dix voix : encore avait-elle chance d’être réduite à mesure que des vacances se produiraient, et elle pouvait à tout instant disparaître par le déplacement des six ou huit voix des libéraux.

C’était presqu’une révolution ; c’était assurément pour le sud la certitude de l’affranchissement. Il avait fallu, dans la session qui s’était terminée le 4 mars 1875, la résistance désespérée de la minorité et toutes les ruses de la stratégie parlementaire pour empêcher, avant le terme légal de la session, le vote définitif d’une nouvelle mesure de répression, le Force bill, qui armait l’administration de pouvoirs dictatoriaux, dans l’Arkansas, l’Alabama, la Louisiane et le Mississipi, et l’autorisait à replacer ces quatre états sous le régime militaire. Non-seulement ce bill ne serait pas présenté de nouveau, mais il était évident que désormais aucune mesure de rigueur n’avait chance d’être adoptée par une chambre où les démocrates avaient la majorité. Le rétablissement du gouvernement civil dans le sud devenait un fait irrévocable. Plus de lois d’exception, plus d’ingérence du pouvoir central dans les affaires intérieures des états : on n’avait plus à compter qu’avec le suffrage universel. Ce n’était pas tout. La possession d’une forte majorité dans la chambre des représentans mettait aux mains des démocrates, aussitôt que le congrès serait réuni, le vote du budget, l’examen des gestions antérieures, le droit d’ordonner des enquêtes, et tous les moyens de diriger et de faire aboutir les investigations parlementaires. Un seul pas leur restait à faire pour devenir à leur tour maîtres de l’administration du pays, c’était de faire arriver un des leurs à la présidence. La majorité qui avait renouvelé les pouvoirs ; du général Grant avait été de 500,000 voix ; en additionnant les voix obtenues, dans l’élection de la chambre des représentans, par les candidats républicains et les candidats démocrates, on trouvait, à l’avantage de ceux-ci, une majorité de 700,000 voix. Il y avait donc eu, en deux années, un déplacement de 1,200,000 voix au profit du parti démocratique. Que celui-ci réussît à conserver une partie seulement de cette énorme majorité jusqu’en novembre 1876,