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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 17.djvu/205

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l’apparition de l’imprimerie, c’est-à-dire le véhicule de la pensée humaine sans lequel la renaissance eût été impossible. Bientôt après, familiarisée avec la nouvelle langue inaugurée par Descartes, l’école newtonienne annonçait par ses brillantes découvertes que la science allait faire son entrée dans le monde. Ce mouvement, interrompu par l’ébranlement qu’occasionna dans toute l’Europe le contre-coup de la révolution française, a été bientôt repris avec une énergie nouvelle, grâce au rapprochement des peuples amené par la vapeur, l’électricité et la presse. N’exagérons toutefois ni la vitesse ni l’amplitude de ce mouvement. La science est restée jusqu’ici le privilège de quelques intelligences d’élite. Les classes lettrées ne la connaissent que de nom, leur éducation étant presque exclusivement littéraire. D’ailleurs on peut dire que la plupart des sciences d’observation ne sont pas encore sorties de leur période embryonnaire. Aussi n’avons-nous presque rien fait jusqu’ici pour la domestication des forces de la nature qui doivent devenir nos auxiliaires pour le « combat de la vie. » La plus puissante de toutes, l’électricité, est encore pour nous un Protée insaisissable. A l’exception du canal de Suez, de quelques voies ferrées et des télégraphes sous-marins, nous n’avons commencé aucun des grands travaux d’aménagement de la planète.

Il reste à dire quelques mots sur la dernière phase de la vie des peuples qui, de même que les individus, vieillissent et s’éteignent lorsqu’ils ont accompli les diverses stades de leur évolution. Les invasions, les guerres, les révolutions, les perturbations géologiques, avancent souvent ce terme, de même que les maladies, les accidens, les diverses causes de destruction hâtent la fin des individus. Certaines peuplades meurent sans laisser de traces. Tels sont les Indiens du Nouveau-Monde, qui disparaissent devant l’arrivée de races supérieures. C’est l’arbre demeuré stérile, l’homme qui meurt sans postérité. D’ordinaire un peuple qui s’éteint laisse derrière lui un peuple plus jeune qui recommence le cycle des évolutions ethniques ; le nouveau peuple, mieux armé que celui qui l’a précédé pour la lutte de l’existence, doit fournir une carrière plus vaste, plus brillante. C’est le fils qui, héritant de l’expérience du père ainsi que du travail accumulé par ce dernier, commence le combat de la vie dans des conditions moins malheureuses que ses aïeux. Quant au peuple éteint, il laisse, comme monument de son passage, son idiome, qui devient langue morte. Les langues mortes marquent dans une même race les générations ethniques qui se sont succédé dans la série des, âges, de même que les zones concentriques du bois indiquent le nombre d’années que l’arbre a vécu. Le véda, le sanscrit, le pracrit, correspondent à autant d’étapes parcourues par l’arya de l’Inde pour devenir l’indou d’aujourd’hui, La