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Tous leurs efforts tendirent vers ce but. Ils accusèrent le népotisme du président, ses complaisances pour ses amis, les malversations des fonctionnaires de son choix, son ambition sans limites et sa passion du pouvoir. Le césarisme et la corruption défrayèrent la polémique de leurs journaux et les discours de leurs orateurs.

Les chefs du parti républicain, et surtout les prétendans à la présidence, étaient dans le plus grand embarras. Menacés dans leurs prétentions personnelles, ils appréhendaient en outre pour leur parti un échec qui lui ferait perdre le pouvoir. Pour se faire désigner comme candidat du parti, il suffirait au général Grant de gagner, par l’offre de quelques emplois, une ou deux délégations du nord, dont les voix, jointes au vote unanime des délégations du sud, formeraient une majorité, et il ne resterait plus qu’à se résigner. Quant à combattre ouvertement cette candidature, qui eût osé, parmi les aspirans à la présidence, s’attirer de ressentiment d’un homme aussi résolu, dont un seul mot transformerait les 80,000 fonctionnaires fédéraux en auxiliaires actifs d’une candidature ou en spectateurs indifférens de la bataille électorale ? Dans leur perplexité, les chefs du parti républicain ne trouvèrent d’autre expédient que de s’abriter derrière les libéraux, qui avaient déjà brisé avec le président, et derrière les conventions électorales qui se réunissent périodiquement dans les divers états. Plusieurs de ces assemblées introduisirent dans les manifestes qu’elles publièrent, à côté des plus vives expressions de reconnaissance pour le second père de la patrie, pour le second Washington, la déclaration qu’une troisième élection devait être considérée comme contraire à la tradition, à l’attente et au bien du pays. Ces avertissemens indirects laissèrent le président indifférent. La convention qui se réunit en Pensylvanie, à la fin de mai, alla plus loin : elle chargea son président de transmettre au général Grant le texte de ses résolutions. La réponse ne se fit pas attendre. Dans sa lettre, le président établit, comme aurait pu le faire un jurisconsulte, que la constitution fédérale n’interdit point une troisième élection : il en inférait que, tant que la loi fondamentale gardera le silence sur ce point, c’est un des droits souverains du peuple d’élever à la présidence l’homme qu’il lui plaît de choisir, et les circonstances peuvent lui faire un devoir de l’exercice de ce droit. Après avoir ainsi réfuté la déclaration des délégués pensylvaniens, le président ajoutait qu’il avait accepté deux fois le pouvoir dans des conditions onéreuses pour lui-même, sans l’avoir ni sollicité, ni désiré, qu’il ne désirait pas davantage une troisième candidature, et qu’il la refuserait si elle lui était proposée ; mais cette affirmation était immédiatement détruite par la restriction suivante : « à moins que la candidature