dentel et momentané ; il date de plus loin, il a pris depuis longtemps en vérité un caractère tristement normal. On ne peut pas dire que ce soit l’effet d’une guerre, d’une épidémie ou d’un fléau, c’est presque le résultat d’une loi invariable, et à peine l’influence des événemens de 1870 a-t-elle cessé, la loi semble avoir repris son cours. Un moment en 1872 la production humaine a paru plus active, elle s’est de nouveau ralentie en 1873. D’une année à l’autre, le nombre des mariages a diminué de 30,000, les naissances ont diminué de 20,000, les décès au contraire ont augmenté, et, chose curieuse à constater, c’est dans les régions les plus riches que le mouvement de la population se ralentit le plus, c’est dans les régions les plus pauvres que l’excédant des naissances sur les décès est le plus considérable. La Normandie perd chaque jour, depuis dix ans le Calvados est tombé de 475,000 habitans à 452,000. En Bretagne, le nombre des habitans s’accroît d’année en année.
Ainsi voilà un fait certain et pénible : la population ne diminue point sans doute en France, elle ne s’accroît que lentement, à peine d’un peu plus de 100,000 habitans par année. Elle reste presque stationnaire, tandis que la population ne cesse de s’accroître dans de bien autres proportions en Angleterre, en Russie, en Allemagne. La France est obligée de s’avouer qu’elle est au dernier degré de l’échelle dans le mouvement de la reproduction humaine. Rien n’est certes plus grave et plus redoutable ; c’est presque menaçant pour la grandeur du pays, qui se verrait atteint aux sources de la vie, qui serait exposé, dans un certain nombre d’années, à la plus dangereuse inégalité vis-à-vis des autres nations, si cette crise devait durer. Comment s’expliquer ce phénomène aussi étrange que douloureux ? Il est des plus compliqués, il tient à une multitude de causes morales, sociales, à des difficultés de législation, à des raisons économiques, et peut-être, regardé de plus près, interrogé avec soin, s’expliquerait-il naturellement ; peut-être perdrait-il de ce caractère inquiétant qu’il a au premier abord, car enfin la race française n’est point dégénérée ; elle n’a perdu ni sa sève, ni sa vigueur native, ni son énergie au travail, ni son aptitude à toutes les œuvres de la civilisation ; elle est toujours active, prompte à se relever, même des plus accablans désastres, elle n’a pas perdu son rang dans le mouvement commercial et industriel du monde. Elle a d’inépuisables ressources de vitalité qui sont aussi un élément dans ce problème si complexe. C’est une raison de plus pour qu’il y ait une enquête sérieuse, approfondie, conduite avec intelligence, avec une attention minutieuse. Sans doute, il y a des élémens du problème dont on n’est pas maître. On n’accroît pas arbitrairement la population, on n’active pas à volonté les mariages et les naissances. Bref, il y a des influences d’un ordre moral et intime dont ne disposent pas les économistes et les hommes d’état. Ce serait déjà beaucoup du moins si, par une étude attentive, par de