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une sorte de refuge national ouvert aux orphelines de l’Alsace-Lorraine. Cette pensée mérite certes d’être accueillie partout, ne fût-ce que pour répondre à la générosité des Alsaciens-Lorrains en faveur de nos inondés de l’année dernière. S’il s’agissait de vaines protestations, de revendications plus vaines encore, la prudence serait à invoquer. Une nation comme la France ne proteste pas inutilement, et une société de protection charitable n’a pas de revendications à exercer. Il s’agit tout simplement d’accomplir un acte d’humanité, de prouver à des provinces fidèles qu’elles ne sont point oubliées. Le souvenir sous la forme de la bienfaisance est un genre de politique avec lequel les chancelleries les plus ombrageuses n’ont rien à voir.

Certes la diplomatie a pour le moment assez à faire, si elle veut s’employer utilement, dans l’intérêt de la paix et de l’humanité. Elle a cet Orient où depuis trois mois sévit la guerre, où des massacres odieux ont désolé la Bulgarie, où tout reste encore obscur et incertain. À l’heure qu’il est, rien n’est décidé, les armées de la Serbie et de la Turquie sont toujours aux prises, et si dans ce tourbillon de nouvelles confuses qui s’abat chaque jour sur l’Europe il est difficile de démêler à qui appartient la victoire, il est du moins avéré que pendant quelques jours des combats acharnés, sanglans ont été livrés autour d’Alexinatz. Les Serbes se sont hâtés de s’attribuer l’avantage, les Turcs l’ont revendiqué naturellement de leur côté ; la même histoire recommence sans cesse. Tout bien examiné, ce qu’il y a de plus vraisemblable, c’est que les engagement n’ont pas été aussi décisifs qu’on l’a dit dans les deux camps, c’est qu’il a du y avoir des avantages partagés, de l’incertitude dans l’issue de la lutte, et si les Serbes n’ont pas été forcés dans leurs positions, les Turcs n’ont pas cessé d’être devant Alexinatz. L’armée ottomane ne semble pas avoir interrompu ses mouvemens déjà fort menaçans pour la Serbie, dont le territoire est envahi. Ce qu’on peut dégager aussi de cet amas d’événemens confus, c’est que les Serbes, malgré leurs protestations belliqueuses, malgré l’ardeur courageuse qu’ils déploient, ne se battent plus déjà peut-être que pour couvrir leur retraite, ou du moins pour maintenir jusqu’au bout l’honneur, l’intégrité de leur position. Dans tous les cas, le prince Milan est rentré depuis quelques jours à Belgrade, des entrevues ont eu lieu avec les consuls européens, et le principal ministre, M. Ristitch, a adressé une note qui est un préliminaire de négociation. Au bout de toutes ces incertitudes, il y a un armistice inévitable, tout au moins vraisemblable.

La question est de savoir si l’armistice dont on parle aujourd’hui sera un dénoûment ou le commencement d’une crise nouvelle. Il suspendra les hostilités entre la Serbie et la Turquie, il permettra des négociations qui conduiront sans doute à la paix, à une paix qui, malgré tout, ne modifiera pas essentiellement la situation. Malheureusement, les rapports de la Turquie et de la Serbie ne sont qu’un des élémens de cet