Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 17.djvu/29

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de ne pas reporter une partie de l’honneur de ce succès au président.


II

A mesure que l’ouverture de la session approchait, l’incertitude sur les intentions du président ne faisait que s’accroître ; en même temps, on devait reconnaître que les idées émises par lui gagnaient du terrain dans l’opinion publique. La stagnation persistante du commerce extérieur et les souffrances de l’industrie manufacturière donnaient tristement raison aux défenseurs de la circulation métallique. Quant à la question soulevée par le discours de Desmoynes, elle avait occupé toute la presse religieuse ; la plupart des feuilles protestantes du nord avaient donné leur approbation au discours du président, et plusieurs personnages politiques, parmi lesquels M. Blaine, avaient jugé prudent de se rallier publiquement à la proposition qu’il contenait.

Le message dont il fut donné lecture au congrès, le 5 décembre, était un document sage et mesuré, où rien n’était oublié de ce qui pouvait flatter les opinions et les préjugés du peuple américain. Les rapports des États-Unis avec l’Espagne au sujet de Cuba y étaient exposés avec une modération relative et de façon à rassurer sur le maintien de la paix. On y trouvait également de sages recommandations sur les changemens à apporter dans les lois sur la naturalisation, mais pas un mot qui pût dissiper les incertitudes du pays. En revanche, le président revenait sur les deux questions qui semblaient lui tenir au cœur : la reprise des paiemens en espèces et l’interdiction de tout enseignement religieux dans les écoles publiques ; il demandait même qu’un amendement à la constitution interdît l’attribution d’une subvention à toute école où une doctrine religieuse serait enseignée. L’insistance du président à ramener ces deux questions sur le premier plan ne pouvait recevoir, au dire de ses adversaires, qu’une seule explication : il désirait en faire le champ de bataille de la prochaine élection. On savait qu’il existait dans le Maryland et dans quelques états de l’ouest des associations secrètes où l’on prenait l’engagement de ne porter aucun catholique aux fonctions publiques. Des indiscrétions révélèrent l’existence d’une franc-maçonnerie de formation récente, intitulée : l’Ordre de l’Union américaine, qui avait pour objet de combattre les progrès du papisme et de proscrire tout enseignement religieux des écoles publiques ; cet ordre comptait déjà plus de 70,000 adhérons dans les états de Massachusetts, New-York, New-Jersey, Ohio et Pensylvanie. Une autre association politique, la Ligue de l’Union,