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soin d’y envoyer un fondé de pouvoirs qui commence par retenir un fil du télégraphe pour correspondre avec eux. M. Blaine était représenté à Cincinnati par son frère, et M. Bristow par le général Harlan ; les partisans de M. Hayes avaient à leur tête un vétéran des luttes parlementaires, M. Benjamin Wade, ancien sénateur de l’Ohio, dont l’expérience et les relations personnelles furent singulièrement utiles à ce candidat.

Près de 100,000 personnes étaient accourues à Cincinnati, et l’effervescence y était au comble, lorsqu’au milieu de ces multitudes frémissantes et agitées tomba, comme un coup de foudre, la nouvelle que M. Blaine venait d’être frappé d’une congestion cérébrale à Washington et qu’il était mourant. Reçue d’abord avec incrédulité, cette nouvelle ne tarda pas à être confirmée ; dès lors l’agitation ne connut plus de bornes : on courait d’hôtel en hôtel, on interrogeait les hommes importans, on assiégeait les bureaux du télégraphe pour obtenir des renseignemens ; il fallait afficher ou lire à haute voix à la foule les dépêches que le télégraphe apportait d’instant en instant. L’accident arrivé à M. Blaine était réel, mais on s’en était exagéré la gravité. Épuisé par la lutte qu’il soutenait depuis plusieurs mois, par les préoccupations qui l’assiégeaient et par une continuelle contention d’esprit, M. Blaine était tombé sans connaissance à la porte du temple où il allait assister au service du dimanche. On l’avait emporté chez lui, et il était demeuré plusieurs heures sans recouvrer ses esprits et comme inanimé ; dans la soirée, les symptômes les plus alarmans disparurent, et le lendemain, au moment où la convention se réunissait pour organiser son bureau et nommer ses commissions, le télégraphe rassura la délégation du Maine sur l’existence de son candidat.

Les discours par lesquels s’ouvrirent les travaux de la convention firent assez voir sur quel terrain le parti républicain comptait engager la lutte électorale : ils furent remplis d’accusations violentes contre les démocrates et de menaces à l’adresse du sud. Les républicains semblaient ne tenir aucun compte de ce qui s’était passé depuis 1872, et se figurer que, pour triompher, il leur suffirait encore d’évoquer les souvenirs de la guerre civile, et de faire appel aux passions et aux défiances des populations du nord. Rien de plus insignifiant, du reste, que le programme adopté par la convention : l’éloge du parti républicain et celui du président Grant en faisaient presque tous les frais. On y demandait le maintien et l’application de ce bill sur les droits civils, si mal observé à Cincinnati même, et la réforme des abus qui avaient pu se glisser dans l’administration. Deux points seulement étaient à noter dans ce manifeste aussi vide que diffus : une déclaration catégorise