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républicains libéraux. Le seul remède leur parut être la publication immédiate d’une lettre d’acceptation de nature à ramener les dissidens. La lettre de M. Hayes a été aussi habile que le manifeste de la convention avait été maladroit. Pour effacer la fâcheuse impression produite par les discours violens prononcés à Cincinnati, M. Hayes a pris un ton conciliant vis-à-vis des populations du sud, auxquelles il ne demande que d’accepter les faits accomplis ; il leur promet, si la paix publique n’est pas troublée et si les lois sont obéies, un traitement équitable, le respect des pouvoirs locaux et toute l’assistance de l’autorité fédérale dans les entreprises de nature à ranimer leur prospérité. Il appelle de ses vœux le jour où les souvenirs du passé, et avec eux toute distinction entre le nord et le sud, auront disparu. Ce langage est bien différent, on le voit, de celui que M. Blaine et M. Morton ont tenu, cette année encore, au sein du congrès. M. Hayes se prononce catégoriquement en faveur de la reprise des paiemens en espèces ; il promet sa sanction à toutes les mesures législatives qui seront proposées pour faire honneur aux engagemens de la nation et mettre fin à une situation préjudiciable aux intérêts généraux du pays. Abordant de front la question de la réforme administrative que le manifeste de Cincinnati avait éludée, M. Hayes s’exprime sur ce sujet avec une vivacité et une netteté que le démocrate le plus ardent ne désavourait pas. Son langage mérite d’être cité ; il sera curieux d’entendre de la bouche d’un homme qui a vu les choses de près la critique des mœurs administratives des États-Unis.


« Il y a plus de quarante ans que s’est développé, pour la nomination aux emplois, un système basé sur la maxime que les dépouilles appartiennent au vainqueur. La règle ancienne, la règle véritable, que l’honnêteté, la capacité et la probité constituent les seuls titres aux emplois, et qu’il n’est point d’autres droits, a fait place à la conviction que les services rendus aux partis politiques doivent seuls être comptés. Tous les partis, tour à tour, ont mis ce système en pratique. Depuis sa première application, il a subi une modification essentielle, mais qui a été loin de l’améliorer. Au début, le président directement, ou par les chefs des départemens ministériels, faisait toutes les nominations ; mais peu à peu la désignation des fonctionnaires, dans la plupart des cas, a passé aux membres du congrès. Les emplois publics sont ainsi devenus la récompense, non-seulement de services rendus à un parti, mais de services personnels rendus aux chefs des partis.

« Ce système détruit l’indépendance des départemens ministériels ; il mène tout droit à l’extravagance dans les dépenses et à l’incapacité dans le personnel : il est une tentation à la malhonnêteté, un obstacle