Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 17.djvu/334

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moins sous l’influence de la noblesse déchue. Par une loi qui remonte au mois de décembre 1872, le gouvernement du mikado proclama le service obligatoire et universel, en dépit de l’opposition du prince de Satzuma. La résistance organisée par celui-ci mit longtemps obstacle à l’application du nouveau mode de recrutement, mais il semble actuellement sur le point d’être repris. Cette innovation démocratique n’aura pas seulement pour résultat de faire entrer dans l’armée la partie la plus saine et la plus robuste de la population, en même temps que la plus disciplinable ; elle mettra en outre à la disposition de l’état une force obéissante qui lui permettra de se faire respecter et d’imposer sa volonté aux dissidens. On ne verra plus, comme au printemps de 1874, des bataillons entiers, officiers et soldats, quitter leur casernement et s’en aller, bannières en tête, rejoindre l’insurrection ou lui tendre la main. Le ton du préambule qui accompagne le décret est digne d’attention et sort de la banalité ordinaire des documens de ce genre :


« D’après les anciennes lois de notre empire, tous les habitans du pays sans exception étaient soldats. Lorsque des troubles s’élevaient, l’empereur prenait le commandement, appelait à lui tous les jeunes gens propres au service, et, la rébellion châtiée, les renvoyait dans leurs foyers reprendre leurs occupations accoutumées. On ne voyait pas alors ce qu’on vit plus tard, des hommes à deux sabres, appelés samurai, pleins d’arrogance, vivant sans rien faire et dispensés, quand ils faisaient voler d’un coup de sabre la tête de quelque homme du peuple, d’en répondre devant l’autorité… Plus tard les monarques perdirent leur puissance, et le mal devint plus grand que les mots ne peuvent l’exprimer ; mais, revenus aux principes de l’ancienne monarchie, nous avons rendu au peuple ses droits et sa liberté. Tout le monde a aujourd’hui les mêmes devoirs envers l’état… Il en est un que les étrangers appellent l’impôt du sang. Chacun en consacrant sa vie à l’état ne fait que se protéger lui-même contre les calamités publiques qui l’attendraient… En conséquence, les jeunes gens âgés de vingt ans dans les quatre classes de la population seront enrôlés sur les registres militaires et devront se tenir prêts au premier appel. »


Si nous nous proposions dans ces pages de donner un tableau général et complet de la civilisation du Japon, il nous resterait à parler d’une foule de sujets qui ne peuvent trouver place dans les limites de cette étude : les arts, l’industrie, les productions réclameraient une mention ; mais nous avons voulu seulement indiquer les principaux progrès accomplis ou en voie de s’accomplir au contact de l’élément européen, à travers des obstacles nombreux, des efforts maladroits, des tentatives puériles pour s’arracher à toute tutelle avant l’heure, le Japon marche dans une voie de