l’Oder, et fut longtemps un souci et un danger pour les souverains du nord. L’auteur, M. Dasent, est un des hommes les plus versés de l’Angleterre dans la connaissance des vieilles annales de la Scandinavie et de la littérature islandaise, et il est notamment le traducteur de ce Saga de Nial dont M. Geffroy entretenait récemment les lecteurs de la Revue. Aussi, tout plein de son sujet, abonde-t-il en détails et en épisodes qui donnent de l’authenticité même aux parties purement romanesques de son œuvre. L’érudition de l’auteur nous est une garantie de la vérité des mœurs qu’il nous présente, même quand les faits dont il se sert pour nous les présenter sont légèrement inexacts. Il a d’ailleurs loyalement expliqué dans la courte préface qu’il a mise en tête de son récit en quoi consiste la principale de ces inexactitudes : c’est qu’il a suivi pour la disposition des faits la succession même dans laquelle ils sont présentés par le Saga des vikings de Jomsburg, de préférence à la succession établie après enquête par la critique historique moderne. Ayant à choisir entre l’ordonnance de l’histoire poétique et l’ordonnance de l’histoire critique, il a choisi la première comme répondant d’une manière plus directe et plus vivante au genre de composition qu’il se proposait. Inexactitude vénielle s’il en fût, et à laquelle les lecteurs, même les plus érudits, ne perdront pas grand’chose. Pour prendre un des plus considérables parmi ces faits, je suppose que peu de lecteurs se soucieront de savoir si ce ne fut pas à la bière des funérailles du roi Harold à la dent bleue plutôt qu’à celle de Harold le Superbe, père de Sigvald, capitaine de Jomsburg, que Sweyn prononça son vœu contre Ethelred d’Angleterre et que les vikings prononcèrent le leur contre Hakon-Jarl de Norvège ; plus d’un en revanche aimera à savoir ce que c’était chez les vieux Scandinaves qu’une bière des funérailles et quelles scènes s’y passaient. En termes plus généraux, c’est moins l’exacte chronologie de faits aujourd’hui absolument enfouis sous la poussière des siècles que la vérité des mœurs, dont le récit de M. Dasent contient une peinture très vivante et très complète, qui importe au lecteur moderne. C’est cette peinture que nous nous proposons d’en tirer, en écartant les parties plus particulièrement romanesques et en groupant autour des principaux personnages tous les détails qui sont de nature à faire apparaître une image fidèle du dur berceau des nations du Nord, du sauvage enfant que nous y entendons vagir, et des terribles pères nourriciers que nous voyons faire auprès de lui office d’éducateurs.
Un livre récent de Thomas Carlyle, les Anciens Rois de Norvège, qui nous arrive en même temps que le roman de M. Dasent, nous permet à beaucoup d’égards de compléter et d’animer encore ce tableau. Ce livre, suite de notes admirables où l’auteur a résumé