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Ces paroles, publiées par tous les journaux, produisirent une telle sensation que le président s’en émut. Il en fit demander le teste authentique par l’avocat-général Pierrepont, et, après en avoir pris connaissance, il s’en déclara offensé et exigea que M. Henderson cessât immédiatement d’être l’avocat de la trésorerie. Cette mesure, prise après un intervalle de huit jours, fut considérée comme un acte de vengeance, parce que le grand jury du Missouri, sur les conclusions de Dyer et d’Henderson, avait rendu, le jour même de la réunion du congrès, un arrêt de mise en accusation contre le général Babcock, pour complicité avec les hommes qui venaient d’être condamnés. Au renvoi d’Henderson le président ajouta une autre faute : il nomma une cour martiale, composée de trois officiers généraux, pour examiner la conduite du général Bancock, décida la réunion immédiate de cette cour à Chicago, et prescrivit qu’on lui envoyât toutes les pièces de l’instruction. On vit dans cette mesure une tentative pour soustraire Babcock à la justice civile et le faire acquitter par un tribunal plus complaisant. Les magistrats du Missouri refusèrent de se dessaisir d’aucune pièce, ils offrirent seulement d’envoyer copie du dossier à la cour martiale ; mais celle-ci refusa de siéger en déclarant ne pouvoir s’occuper d’une affaire dont la justice ordinaire était déjà saisie par un arrêt de renvoi régulier.

Le général Babcock fut donc obligé de fournir caution et de comparaître devant les assises du Missouri. Ce procès fut, pendant tout le mois de février 1876, l’unique sujet de toutes les conversations. L’accusation produisit une correspondance télégraphique en chiffres échangée entre Babcock d’un côté, Mac Donald, Joyce et Avery de l’autre, au moment où les coupables avaient pris l’éveil. Il semblait en résulter que Babcock les avait tenus au courant des décisions prises par le gouvernement de Washington et avait fait des démarches dans leur intérêt. Dans quelques dépêches, il était question de remises d’argent faites à Babcock. L’interprétation la plus favorable que l’on put donner à cette correspondance et aux démarches qu’elle constatait, c’était que Babcock, lié d’aminé avec les trois condamnés, n’avait pas cru à leur culpabilité et les avait regardés comme les victimes de quelque dénonciation calomnieuse. En tout cas, on était obligé d’admettre que l’excès de l’amitié lui avait fait dépasser toutes les limites de la prudence et lui avait fait oublier la réserve que lui imposait sa situation confidentielle auprès du chef de l’état. Deux incidens se produisirent dans le cours des débats. Le président se fit assigner comme témoin à décharge, et, comme il ne pouvait quitter Washington pendant la session du congrès, il déposa devant une commission rogatoire. Cette déposition