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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 17.djvu/360

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du monticule fût à peu près rétablie. Si le terrain ne présentait aucune élévation convenable, on entassait sut les morts d’énormes amas de terre, de gravier et de cailloux. C’étaient là les funérailles ordinaires et pour le commun des soldats ; mais dans les grandes circonstances et pour les grands chefs la sépulture était plus héroïque. De même que les rois barbares étaient ensevelis avec leur cheval de guerre ; les chefs vikings étaient ensevelis avec et dans leur vaisseau, dont on abaissait le grand mât et qu’on entourait et remplissait de terre jusqu’à ce qu’il eût disparu pour faire place à un gigantesque tumulus de forme oblongue, couronné d’énormes pierres.


II. — LES VIKINGS ET LE ROI SWEYN.

Le roi Sweyn à la barbe fourchue et les vikings de Jomsburg se connaissaient de longue date et ne s’en aimaient pas mieux pour cela. Sweyn avait été le fondateur involontaire de Jomsburg. Bâtard comme Guillaume de Normandie et né d’une Arléte danoise, il eut querelle dans sa jeunesse avec le roi Harold à la dent bleue, qui ne voulait pas reconnaître pour sien ce fils de l’artisane Æsa. Des récriminations et des injures la querelle passa vite aux coups ; Sweyn se révolta, et les vikings lui ouvrirent leurs bras. Palnatoki avait été son père d’armes, et l’on sait combien était forte chez toutes les nations barbares cette parenté militaire qui s’est maintenue pendant toute la période chevaleresque, et très particulièrement en Angleterre, comme on peut le voir par les drames historiques de Shakspeare, où ces noms de père, de fils et de frère reviennent perpétuellement dans les discours des chevaliers. Palnatoki prît parti pour Sweyn, mais, ayant été forcé de faire un voyage dans le pays de Galles, où il s’était taillé une manière de principauté à la pointe de sa lance, il trouva à son retour son fils d’armes étroitement cerné par le roi dans une petite crique de la côte suédoise. Le vieux pirate n’essaya pas de le délivrer par la force, et pensa que dans la situation où la fatalité de la guerre l’avait placé, il n’avait d’autre moyen de le sauver que de lui donner le trône. Il se jeta dans une barque avec un seul compagnon et s’approcha de nuit du camp d’Harold à la dent bleue. Le roi était là devant eux, vivement éclairé par la lueur des feux, aisément reconnaissable à son casque d’acier surmonté d’un sanglier d’or ; une flèche siffla dans l’air, et le lendemain Sweyn était salué souverain de Danemark presque sans combat.

Palnatoki se garda bien de se vanter auprès de son fils d’armes du service qu’il venait de lui rendre, car il savait que chez ses