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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 17.djvu/384

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sur les champs de Towton et de Bosworth dès que la victoire avait laissé le terrain libre ? Hay, saisi d’une belle indignation patriotique, s’arme d’un soc de charrue, entraîne ses fils avec lui, et tous trois allant se placer en travers du sentier, repoussent de ces Thermopyles à la fois fuyards et poursuivans. Les Écossais reprirent cœur à ce secours inattendu, et les Danois furent défaits. Qui ne reconnaîtra dans cet épisode Belarius et les deux frères chasseurs, Arviragus et Guiderius, transformant en victoire la déroute de l’armée bretonne, arrêtée par le moyen employé par Hay et ses deux fils ? Qu’elle ait été cependant perdue par les vikings de Jomsburg ou par d’autres Danois, cette vieille bataille de Loncarty, si inconnue aujourd’hui, a donc eu le mérite et l’honneur de fournir un dénoûment à Shakspeare ; dans neuf siècles d’ici, — ce qui est juste le temps qui nous sépare de cette journée, — combien de nos fameuses batailles modernes n’auront pas même ce résultat !


IV. — OLAF, FILS DE TRYGGVI.

La Victoire de la baie de Hjoring porta à son comble la popularité et la puissance du jarl Hakon ; mais une prospérité exceptionnelle laisse rarement prudens ceux qu’elle comble de ses faveurs, et en dépit de sa magie et de ses arts de fourberie, le jarl ne sut pas ruser avec l’heureuse fortune aussi bien qu’avec la mauvaise. A mesure que la vieillesse avança, les deux vices les mieux faits pour déshonorer le soir d’une existence, la sensualité et l’avarice, s’emparèrent de lui de plus en plus. Il prit l’habitude de faire enlever ouvertement et de vive force les femmes et les filles de Norvège qui agréaient le mieux à ses convoitises amoureuses souvent renouvelées, pratique qu’il ne put continuer longtemps sans entasser sur lui des haines ardentes et des désirs de vengeance qui de moins en moins silencieux commencèrent par substituer à son surnom de riche celui de méchant : Hakon, le méchant jarl, c’est ainsi qu’il était maintenant désigné en Norvège, surnom prophétique d’une ruine imminente qu’il n’apercevait même pas, aveuglé qu’il était par sa fortune. Sa sécurité cependant n’était pas absolue, car il y avait dans sa prospérité un point noir qui lui causait souvent maint souci, et ce point noir c’était l’existence en Angleterre d’un certain viking du nom d’Olaf, Norvégien de naissance, disait-on, et dont la renommée avait porté jusqu’à lui les exploits. Inquiet, Hakon dépêcha un homme de confiance à Dublin, où résidait cet Olaf, et à son retour le messager put rapporter à son maître les peu rassurans renseignemens que voici : cet Olaf n’était rien d’autre que