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ministre de la marine n’expliquait ces mouvemens de fonds que par une spéculation sur les terrains de Long-Branch qu’il aurait entreprise de concert avec les Cattell, et prétendait avoir ignoré de la façon la plus complète les rapports de cette maison avec les fournisseurs ordinaires de la marine. Il avait à se défendre contre un reproche encore plus grave.

En septembre 1873, une panique commerciale avait éclaté soudainement aux États-Unis. Elle avait déterminé la faillite d’une maison qui faisait un chiffre d’affaires colossal, la maison Jay Gould et Cie dont la chute avait entraîné celle d’une foule de maisons de second ordre et donné à la crise les proportions d’un désastre. M. Robeson avait retiré à la maison Baring, de Londres, les fonctions d’agens financiers de son ministère en Europe, et choisi en leur place MM. Jay Gould Mac Culloch et Cie, qui étaient à Londres les correspondais, ou plutôt un dédoublement de la maison américaine. Jay Gould et Cie avaient suspendu leurs paiemens le 18 septembre ; le 16, M. Robeson avait donné des ordres pour qu’on expédiât d’urgence à Londres, à Jay Gould Mac Culloch et Cie, 1 million de dollars à valoir sur les paiemens qu’ils auraient à faire pour la marine ; il était allé voir le ministre des finances et le président lui-même pour lever toute objection et assurer l’envoi immédiat des fonds. Cet envoi n’était pas commandé par les besoins du service, puisque la marine était déjà en avance de plus d’un million de dollars, et il avait si bien pour objet de venir en aide aux deux maisons et de leur procurer les moyens de se soutenir, que le ministre fit fournir au payeur-général de la marine tous les fonds nécessaires aux paiemens à effectuer en Europe, comme si Jay Gould, Mac Culloch et Cie n’avaient pas eu dans leurs caisses près de 14 millions de francs appartenant au gouvernement des États-Unis. La maison américaine n’avait pu se relever, et la maison de Londres, après une lutte de quelques mois, avait dû se mettre en liquidation. Le ministre s’était fait remettre, comme couverture de ses envois de fonds, des valeurs pour près de 2 millions de dollars, dont la réalisation se poursuivait graduellement ; mais à l’heure où l’enquête révélait ces faits, la caisse de la marine avait encore 600,000 dollars à recouvrer. Ce qui aggravait la position du ministre, c’est qu’il avait excédé son droit et contrevenu à une loi précise en confiant les fonds de la marine à Jay Gould, Mac Culloch et Cie sans demander l’approbation du sénat.

Un autre comité de la chambre avait ouvert une enquête sur l’administration des bureaux indiens. Les révélations dont l’éclat avait déterminé la retraite de M. Delano se trouvèrent confirmées et dépassées. Il fut établi que les licences pour commercer avec les tribus indiennes de chaque bureau avaient été l’objet du même trafic