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y avait en même temps la politique de l’empereur. Napoléon III avait beau faire, il ne pouvait se dérober à la responsabilité de ces mouvemens italiens accomplis sur son passage, au bruit de ses proclamations retentissantes. Il avait dit aux Italiens de se lever, de s’organiser, de suivre le drapeau de Victor-Emmanuel, de disposer de leurs destinées : les Italiens s’étaient levés, ils disposaient d’eux-mêmes, ils agissaient « tout, seuls, » — qu’avait-il à répondre ? Évidemment il croyait avoir fait beaucoup par la paix de Villafranca, il pensait du moins avoir assuré à l’Italie une mesure d’indépendance et de progrès compatible avec les circonstances, et une fois engagé, il ne pouvait désavouer aussitôt son œuvre. En apparence, il ne parlait pas autrement que son ministre des affaires étrangères. Lui aussi, dans ses relations avec la diplomatie, dans ses communications incessantes avec Victor-Emmanuel, dans ses conversations avec les délégués italiens qui venaient vers lui, il commençait par mettre hors de doute les obligations de Villafranca. Il se croyait d’autant plus tenu à une certaine ostentation de loyauté qu’il se sentait suspect et surveillé de toutes parts en Europe. Il portait la peine de sa réputation, à ce que disait le prince Napoléon.

L’empereur cependant ne tardait pas à subir l’influence des événemens ; un singulier travail semblait s’accomplir dans cet esprit dont personne n’avait jamais le dernier mot, et dans tous les cas le langage de Napoléon III, bien moins absolu que celui du comte Walewski, se prêtait à toutes les interprétations. Lorsqu’on essayait de sonder les intentions de l’empereur en lui demandant s’il s’intéressait à la restauration des princes dépossédés, il répondait qu’il n’avait « aucun intérêt personnel à désirer le rétablissement des ducs lorrains, » et il ne parlait qu’avec un sourire d’incrédulité de la candidature du prince Napoléon à une couronne de l’Italie centrale. Lorsqu’on lui demandait si les engagemens par lesquels il se déclarait lié n’avaient pas une limite, il répondait assez mélancoliquement que sans doute ils avaient une limite, — « la limite du possible. » Lorsqu’enfin on cherchait à savoir de lui jusqu’où pouvait aller la pression étrangère en faveur des restaurations dans les duchés, il n’hésitait pas à dire : « Aucune violence ne sera faite aux Italiens. » Et il faisait mieux, il déclarait au prince de Metternich, à Compiègne, que, si l’Autriche passait le Pô, ce serait la guerre immédiate avec la France. Un jour, à l’occasion d’une démarche tentée auprès de lui à l’instigation de M. Peruzzi, il répondait : « M. Peruzzi me paraît être un homme sagace, il doit comprendre que, lorsqu’on me demande mes intentions au sujet de la Toscane, je ne puis dire que ce que j’ai dit ;… mais que les populations votent, et quand il sera démontré que les conventions de Villafranca ne