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peuvent un jour être appelés à gouverner, comme propriétaires ou comme régisseurs, des entreprises considérables. Chacun des élèves est successivement chargé de la direction des différens services : attelages, laiterie, fromagerie, étable d’engraissement, etc. Ils surveillent l’ensemble de l’exploitation, ils en tiennent les comptes : système excellent qui les met, dès l’école, aux prises avec la réalité, fait passer sous leurs yeux les faits, les détails journaliers, les mille incidens de la vie rurale, et, en leur donnant la science, leur communique cette expérience des choses qu’aucune étude ne supplée.

Voilà pour l’enseignement. C’est le principal, mais non l’unique objet de l’école régionale. Ainsi que la ferme-école, elle doit agir sur l’agriculture par l’exemple ; c’est une ferme-modèle. Elle doit être aussi une ferme expérimentale ; le législateur de 1848 lui attribuait formellement ce caractère et disposait que les expériences et les résultats obtenus recevraient la plus grande publicité. Ainsi elle « doit viser, dit M. Eugène Tisserand, à une culture profitable, mais il lui faut aussi offrir l’exemple des améliorations applicables à la contrée, et expérimenter préalablement avec mesure les innovations… » Une culture profitable et des essais scientifiques, double condition, double tâche qu’il est sans doute malaisé de concilier. Il y a longtemps que le comte de Gasparin écrivait ici même : « On a réuni généralement ces deux genres d’institutions : l’école, qui a pour but de former des jeunes gens à la pratique et à la théorie de l’agriculture ; la ferme-modèle, qui doit servir d’exemple… Ces deux buts sont incompatibles et mal remplis tous deux, quand l’un n’est pas sacrifié à l’autre. En effet, pour instruire il faut multiplier les expériences, dépenser en vue de l’instruction, non du produit ; au contraire, la ferme-modèle doit cultiver avec profit si elle veut être imitée… Il ne me paraît donc pas que l’école et la ferme-modèle puissent marcher ensemble sans se nuire réciproquement[1]. » Quoi qu’il en soit, il est certain que les écoles régionales, par leur objet et leur caractère, diffèrent trop des fermes-écoles pour ne point différer aussi par leurs conditions d’organisation : les exigences de l’enseignement et de l’expérimentation entraînent des charges bien lourdes pour que l’industrie privée les puisse accepter au prix même d’une subvention. C’est pourquoi, tandis que la ferme-école est une exploitation dirigée par un simple particulier, propriétaire ou fermier, chez lequel l’état entretient des maîtres et des apprentis, l’école régionale est tout entière dans la main de l’état ; les cultures comme les cours, c’est lui qui régit tout ; le directeur est un fonctionnaire, il administre le domaine pour le compte du gouvernement.

Nous avons vu que la loi de 1848 prescrivait la division de la

  1. Voyez la Revue du 1er janvier 1843.