Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 17.djvu/446

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

résolût de réaliser par l’initiative privée l’œuvre que le gouvernement différait d’accomplir. Une commission nommée par elle étudia un projet qui est exposé dans le rapport qu’a publié en 1873 un de ses membres, M. Prillieux. Il s’agissait de créer, en dehors de l’état, par voie de souscription, un institut agronomique sur des terrains voisins du Luxembourg. La guerre de 1870 suspendit les études, mais après 1871 le projet fut repris ; seulement la société, redoutant les difficultés de l’entreprise, ne repoussait plus cette fois le concours de l’état. Elle devait lui demander, en faveur des actionnaires, la garantie d’intérêts.

Le projet néanmoins ne fut pas mis à exécution : la question avait été soulevée à l’assemblée nationale, dans la réunion libre des agriculteurs ; M. Besnard avait été chargé de présenter à cette réunion un rapport où il reproduisait les conclusions de M. Tisserand, et, peu après, M. le comte de Bouille, au nom de cent trente-sept de ses collègues, déposait sur le bureau de la chambre une proposition de loi tendante à la création par l’état d’une école supérieure. C’était revenir au parti le plus sage. Nous ne voulons pas dire qu’il faille, en cette matière, repousser l’aide des particuliers ; il serait injuste d’oublier que c’est l’initiative privée qui a donné à la France son enseignement agricole ; mais il est certaines entreprises qu’il est bon de réserver à l’état, car il en est qui coûtent plus qu’elles ne rapportent, — non qu’elles ne puissent rendre avec usure l’argent qu’elles ont absorbé : elles le font, mais indirectement, et peu à peu, non sous la forme précise de recettes immédiates qui, s’alignant en face des dépenses, équilibrent le budget d’une école. On peut, il est vrai, nous objecter le succès de l’École centrale, et nous dire : pourquoi n’en serait-il pas de même d’un institut agronomique ? L’état laisserait faire les particuliers, sauf à intervenir par la suite, s’il le jugeait utile. — Mais quand M. Lavallée ouvrit, en 1829, avec le concours de quelques hommes éminens comme lui, l’École centrale, l’état n’avait point attendu jusque-là pour donner à l’industrie son enseignement. Il avait fondé l’École polytechnique, le Conservatoire, les écoles d’arts et métiers. La nouvelle école dès lors n’était qu’un établissement s’ajoutant aux autres, les complétant, engageant avec eux une salutaire concurrence, rien de plus. Dans ces conditions, l’état pouvait demeurer étranger à l’entreprise. Ici tout autre est la situation : si des particuliers se chargeaient de donner à l’agriculture cet enseignement qui lui manque, ce ne serait point une institution complémentaire qu’ils ajouteraient à celles de l’état, — il n’en a point, — mais ils substitueraient leur action à la sienne, ils acquerraient le pouvoir d’organiser à leur gré un service public que le gouvernement a un