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Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 17.djvu/488

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brillant sous lequel se cachent les plaies de notre civilisation, on arrive bien vite à constater l’existence, sur le pavé de nos rues, d’un certain nombre de petits êtres nomades qui errent, sans domicile fixe, sans parens, sans protection, qui vivent de hasards, de souffrances, de méfaits, et dont le plus grand nombre, après avoir encombré maintes fois la salle du dépôt de la préfecture de police, affronte la solitude des cellules de la Petite-Roquette et goûté les charmes de la camaraderie prisonnière à Poissy ou à Melun, finit par s’embarquer sans retour pour les plages de la Nouvelle-Calédonie ; heureux quand ce chemin battu du crime ne les a pas conduits jusqu’à l’échafaud. On s’explique ainsi que le département de la Seine figure au premier rang sur la liste des départemens classés d’après l’ordre de leur criminalité et fournisse à nos établissemens d’éducation correctionnelle le plus grand nombre de jeunes détenus. Mais si à Paris, comme au reste dans presque toutes les grandes villes, l’enfance est en proie à beaucoup de tentations et de souffrances, d’un autre côté d’énergiques efforts sont faits pour lui venir en aide, et à un mal assurément très grand, la prévoyance publique ainsi que la charité privée apportent des remèdes énergiques, bien qu’encore insuffisans. C’est ce double aspect de la question que je voudrais envisager dans une série d’études qui auront pour objet la condition de l’enfance à Paris. Je n’ai cependant pas la prétention d’examiner sous toutes ses faces ce vaste sujet, dans le cadre duquel il faudrait faire rentrer, si l’on voulait être complet, la distribution de l’instruction à tous ses degrés. Je m’en tiendrai à ce qu’on pourrait appeler en quelque sorte le côté aigu de la question, et je rechercherai quelles mesures sont prises à Paris pour soulager la misère de l’enfance sous ses formes les plus douloureuses : l’abandon, la maladie, les infirmités, le vagabondage, et pour prévenir ou réprimer utilement ses infractions. Mais on saisira mieux l’intérêt que ces mesures présentent au point de vue social lorsqu’on saura, par quelques chiffres empruntés à la dernière statistique des prisons, quel rôle jouent dans le développement de la criminalité chez l’enfance ces trois élémens : la corruption des grandes villes, la mauvaise éducation et la pauvreté.

Au 31 décembre 1872, la population de ceux de nos établissemens pénitentiaires qui sont consacrés à l’éducation des enfans condamnés ou envoyés en correction comme ayant agi sans discernement, s’élevait à 8,016. Sur ce nombre, plus de la moitié, près des deux tiers étaient originaires des villes. La population rurale étant en France beaucoup plus nombreuse que la population urbaine, elle fournirait également à la criminalité des enfans un contingent beaucoup plus élevé, si l’existence des grands centres