éclata en sanglots bruyans et me dit avec un fort accent du Morvan : « C’est parce que mes parens vont venir me quérir. » Cette répulsion instinctive d’une enfant pour la mère qui l’a abandonnée n’est-elle pas le plus cruel des châtimens ?
Mentionnons enfin, pour avoir examiné sous toutes ses faces l’avenir qui attend les enfans assistés, le fait assez fréquent de demandes d’adoption adressées à l’Assistance publique. Ces demandes émanent le plus souvent de ménages sans enfans, qui cherchent dans cette paternité fictive la consolation d’un regret cuisant. Ce sont généralement des petites filles de un à trois ans, d’un extérieur agréable et d’une bonne santé, qui en forment l’objet. Ces demandes sont instruites avec beaucoup de soin, et lorsque les pétitionnaires présentent des garanties suffisantes, il leur est toujours donné suite, autant dans l’intérêt de l’administration, qui réalise ainsi une économie, que dans l’intérêt des enfans, devant lesquels s’ouvre ainsi la perspective d’une existence inattendue. Par une précaution très sage, l’administration ne donne jamais en adoption que des orphelins. Il y a quelques années, les parens naturels d’une petite fille donnée en adoption avaient fini par découvrir sa retraite et se livrèrent à un odieux chantage auprès des parens adoptifs, auxquels ils ne laissaient plus un moment de repos. Grâce au parti prudent adopté par l’administration, cette situation douloureuse ne pourrait plus se reproduire aujourd’hui.
Parmi les dépenses de toute nature que supporte le budget des dépenses extérieures, et qui se sont élevées à 3,228,638 fr. 43 c, figurent les secours pour prévenir les abandons. J’ai exposé dans la première partie de ce travail la théorie de ce mode d’assistance, les objections qu’on peut lui opposer en principe, les avantages incontestables qu’il présente dans la pratique. Je n’ai donc plus qu’à en faire saisir brièvement le mécanisme dans le département de la Seine. L’instruction rédigée en 1860 sur le service des enfans assistés porte (art. 7) : « Des secours pourront être accordés aux enfans naturels reconnus légalement, ainsi qu’aux enfans légitimes dont l’abandon serait imminent, lorsque les mères les allaiteront elles-mêmes ou continueront à en prendre soin. » C’est pour sauver le principe qu’il est fait ici mention des enfans légitimes. En réalité, la totalité du crédit porté au budget départemental pour prévenir les abandons passe en secours aux filles-mères, et si les mères légitimes chargées de famille obtiennent aussi des secours, ce sont des secours municipaux distribués avec plus de parcimonie et moins de régularité. La somme dépensée en secours en 1875 a été de 357,218 francs et s’est répartie entre 7,900 enfans. En 1874, la somme dépensée s’était élevée à 626,379 francs, dépassant de près de 300,000 francs le crédit