Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 17.djvu/547

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
541
COUSIN ET COUSINE.

— Et que l’on y mette nos effets, ajoutai-je.

Sir Richard se précipita vers sa sœur et saisit le poignet blanc qui sortait d’une des larges manches du peignoir.

— Qu’y avait-il dans ce billet ? s’écria-t-il.

Miss Serle contempla tristement les fragmens épars sur les dalles, puis tourna les yeux vers son cousin.

— L’avez-vous lu ? demanda-t-elle.

— Non, répliqua Serle, mais je vous en remercie.

Ils échangèrent un rapide regard où je lus bien des choses. Sir Richard devint cramoisi.

— Vous êtes une enfant, dit-il en repoussant sa sœur.

— Venons-nous de passer quatre heures avec un fou ! s’écria Serle.

— Avec un fou qui ne se laissera pas dépouiller en tout cas, riposta le maître de la maison, de plus en plus furieux. Je me suis tu jusqu’à présent, mais me voilà à bout de patience. Croyez-vous donc qu’il n’existe que des niais en dehors de votre beau pays ? Faites-les valoir, vos droits ! Ils ne valent pas ça ! Et il repoussa du pied un des morceaux de papier répandus à terre. Serle écouta cette sortie en ouvrant de grands yeux ; puis il haussa les épaules et se laissa tomber sur un des siéges adossés au mur. Je tirai ma montre et prêtai l’oreille, espérant entendre approcher la voiture.

Sir Richard continua : — Ne vous suffisait-il pas de vouloir m’enlever une partie de mon bien ? Il faut encore que vous abusiez de mon hospitalité pour essayer de duper ma sœur !

L’accusé se cacha le visage entre les mains et poussa une sorte de gémissement. Miss Serle courut vers lui.

— Sotte ! cria le frère.

— Cher cousin, oubliez ces cruelles paroles, dit miss Serle, et n’emportez d’ici qu’un bon souvenir.

— Soyez tranquille, je ne songerai qu’à vous, répliqua-t-il.

Les roues d’une voiture résonnèrent au dehors, et au même instant un domestique descendit chargé de nos valises ; M. Tottenham le suivait avec nos chapeaux et nos pardessus.

— Je crois qu’il est bon que vous appreniez le contenu de mon pauvre billet, dit miss Serle avec un effort très touchant, de la part d’une personne à qui tout effort coûtait beaucoup.

— Taisez-vous ! cria sir Richard. Vous vous expliquerez plus tard avec moi.

— Laissez-moi imaginer le contenu de votre lettre, répondit le cousin sans prêter la moindre attention à cette interruption.

— On ne l’a que trop imaginé, répliqua miss Serle. C’était un simple avertissement ; je devinais presque ce qui allait arriver.